Cassandre n’entendait que le bruit des néons au-dessus de sa tête, les yeux rivés vers une feuille comportant des résultats de test. Ses yeux verts restaient figés sans cligner sur le document. Des formules incompréhensibles pour la plupart des humains, mais pour Cassandre c’était aussi clair que de l’eau de roche.
Elle était seule dans son laboratoire. Elle était toujours seule, elle avait réussi a faire fuir tous ses collègues dans d’autres laboratoires pour avoir la paix et le calme. Cassandre était connue pour ne pas aimer partager son espace de vie et son laboratoire. Surtout que celui-ci lui servait de chambre et de lieu de travail à la fois. On la voyait très peu au final entre ses recherches dans son laboratoire ou ses sorties qu’elle ne déclarait pas ou peu. Elle était presque un fantôme dans le lieu pour ceux qui n’avaient pas à faire directement avec elle.
La tête penchée vers le bureau, les doigts tremblaient de rage en lisant le document. Elle ne revenait pas et lisait, puis relisait.
« Négatif… NÉGATIF??? »
Ses yeux se remplirent de larmes, de rage, de haine et d’incompréhension.
« Comment est-ce possible? »
Ragea-t-elle entre ses dents le regard perdu sur le document, tentant tant bien que mal de trouver une erreur. Elle avait passé les dernières semaines sur un cas qui semblait être un cas proche du patient zéro. Cependant, cette chose, qui rendait les humains morts-vivants, semblait avoir mutée, et pas qu’une seule fois. Elle n’arrivait pas à le suivre. Elle n’arrivait pas à trouver le lien et ce qui lui permettait de muter.
« Quatre ans… ça va faire QUATRE ANS… Je tente de te comprendre depuis quatre ans. Tu vas finir par me tuer d’une nouvelle façon. Tu vas m’avoir à l’usure… Et tu oses en plus faire de moi une immunisée ?! Tu ris de moi. Tu vas te moquer de moi encore longtemps? Il faudra que je fasse quoi pour que tu veuilles bien que je trouve une solution? POURQUOI ÉVOLUES-TU SI VITE? COMMENT FAIS-TU? »
Le regard perdu, elle balaya son bureau d’un grand geste des bras pour vider son bureau et jeter tout au sol dans un fracas de verre et de papier. Ses cris et le fracas n’attirèrent pas l’attention des gens à l’extérieur, tout était calme.
Doucement elle vacilla vers l’arrière observant tout d’un coup tout son laboratoire.
Il n’était pas très grand, mais lui convenait parfaitement, elle avait le nécessaire pour travailler et était presque heureuse de sa situation. Cependant à cet instant elle était perdue. Elle regardait tout ce qu’elle avait et avait l’impression de se retrouver dans un endroit qu’elle n’avait jamais vu ou connu.
« Pourquoi je fais tout ça? Pourquoi suis-je ici? POURQUOI TU M’OBSÈDES? »
Elle posa ses mains sur sa tête pour agripper ses cheveux avant de vaciller de nouveau vers l’arrière faisant quelques pas avant de tomber au sol.
La scientifique était obsédé, obnubilée par cette épidémie, elle se donnait corps et âme pour cette malédiction des temps modernes pour assouvir un besoin, une envie qu’elle ne comprenait pas.
Elle ne pouvait pas comprendre, vu qu’elle ne s’était jamais posé la question. Personne ne demandait à cette femme comment elle allait, le peu de personnes qui l’approchait n’y voyait que du feu derrière ses sourires amusés, sa confiance et son image de femme excentrique. Cassandre était obsédée, personne n’avait idée ou voulait savoir jusqu’où elle pourrait aller pour assouvir ce besoin de régler cette épidémie. Personne ne pouvait croire ou ne voulait croire que cette femme était aussi brillante que folle.
Ce n’était pas pour la gloire, elle savait au fond qu’elle y laisserait sa peau dans le pur anonymat. Elle avait déjà tout perdu, famille et ami la croyaient décédée et elle avait remis les papiers de son divorce à l’homme avec qui elle avait partagé sa vie et son coeur. Elle n’avait, au fond, aucune raison de se débattre comme le diable dans l’eau bénite, pourtant elle le faisait.
Elle se battait, défiait l’autorité, faisait qu’à sa tête. Elle s’était mise en danger sans compter et travaillait jusqu’à épuisement. Elle s’était effondrée plus d’une fois sur son bureau, on avait déjà dû lui bloquer l’accès à son laboratoire pour la faire décrocher. Ça n’avait pas vraiment fonctionné, elle avait trouvé un laboratoire abandonné ou elle passait son temps « libre » à travailler en parallèle. Ce laboratoire, personne ne l’avait trouvé et ne comptait pas en dévoiler l’existence de si tôt. Personne ne pourrait savoir jusqu’où elle pourrait aller derrière les portes closes.
« Qu’est-ce que je peux faire…? Que dois-je faire…? »
Finit-elle par murmurer les larmes aux yeux retirant ses lunettes pour les poser au sol à ses côtés. La scientifique passa sa main dans son visage ronger par l’angoisse, la rage et la déception.
Elle détacha ses cheveux de l’autre main pour laisser couler ses longs cheveux brun foncé sur son visage.
Cassandre se mit à fixer le vide devant elle, la main toujours dans son visage. Elle se mit à se poser plein de questions. Quelles seraient les prochaines étapes? Devait-elle faire une pause? Devait-elle demander de l’aide à des collègues? Devait-elle aller… plus loin?
Ce n’était pas comme si elle pouvait demander de l’aide à une entité supérieure, elle n’avait jamais cru à ce genre de chose, même enfant. C’était idiot à ses yeux de croire que leur destin était attaché à un être bon ou mauvais, qui pouvait faire ce qu’il voulait des êtes humains. Elle avait toujours fait ce qu’elle voulait et avait toujours imposé sa loi. Ce n’était pas maintenant qu’elle allait changer d’idée à ce sujet.
« Que dois-je faire? C’est n’importe quoi, cette situation est n’importe quoi, ce pays c’est n’importe quoi, ma vie est n’importe quoi… Ça rime à quoi cette affaire? Quelqu’un en a vraiment quelque chose à faire de régler la situation? Les gens ont l’impression qu’on se prélasse dans une prison de verre et moi je me bats comme une conne… Est-ce moi qui ne comprends rien ou les gens qui ne comprennent rien? »
Son regard se porta sur la porte de son laboratoire et se leva lentement. Elle avait mal à tête, envie de vomir et ne tenait plus sur ses jambes. D’une démarche approximative, elle se dirigea pour aller vers la porte. Glissant ses doigts sur le verrou et le tourna pour s’enfermer. S’assurer que personne ne puisse la voir dans cet état.
Face à la porte, elle se laissa glisser sur le sol pour être à genoux, les mains au sol et son front contre la porte.
Cassandre réfléchissait, se creusait la tête, jamais elle ne pourrait vraiment abandonner. Le suicide ne serait jamais une option, elle préférait mourir couteau à la main ou de fatigue. Son obsession était beaucoup trop grande et l’avait au final presque complètement corrompu.
Rien ni personne ne l’attachait ici ou à la vie. Elle n’avait rien à faire des gens qui lui portaient un regard presque bienveillant. Il ne souriait qu’à une fine parcelle de la femme.
Au fond, les visages des gens, ces gens en tant que tels n’avaient aucune importance, ce n’était que des gens qui lui apportait diversité ou des donnés scientifiques.
Étaient-ils tous des numéros?
L’épidémie l’avait-elle corrompu?