The cold reality | Dan

J’ai froid, et j’ai mal. Je crois qu’il a commencé à faire nuit depuis plusieurs heures déjà. Je.. Je ne sais pas vraiment où je suis, pas du tout, même. Je n’ai pas bougé depuis autant d’heures, je pense. Je n’ai pas osé, il s’est passé des choses terribles aujourd’hui. Tout allait pourtant pour le mieux depuis ce matin. C’est peut-être aussi de ma faute, je n’aurais pas dû vouloir accompagner ceux qui sortaient aujourd’hui. Des Humanistes voulaient se rendre à la Citadelle pour essayer d’acheter des choses utiles, je n’ai pas trop su quoi, je me suis dis que ça serait une super occasion de me dégourdir un peu les jambes.. C’est que, le château, c’est bien mais c’est.. Toujours la même chose un peu. Puis là, j’étais avec des gens, c’est un peu égoïste mais je voulais juste être quelques heures avec des gens. Je savais que ça serait difficile pour eux de s’occuper de moi là dehors, mais comme j’ai un couteau au bout de ma canne je me suis dis que je pourrais me défendre.. Au château, on m’aime bien, mais personne ne veut passer trop de temps avec moi. Je ne suis qu’une aveugle, c’est trop de temps à consacrer pour moi. Alors comme je me sens souvent seule j’essaie de faire partie des sorties quand ça semble calme.. Les derniers gens qui sont sortis disaient tous qu’il n’y avait pas trop de zombies ces derniers temps, alors j’ai cru que ça irait.

J’ai eu tort, je crois.. On a au moins réussi à aller à la Citadelle sans trop d’efforts ni de soucis. Là-bas, je n’aime pas, mais alors pas du tout. Je n’y vois rien et c’est tant mieux, pour une fois que je peux dire ça.. Enfin, non, il y a pleiiin de choses pour lesquelles je peux dire ça. Les zombies, les morts, les ruines.. Je peux imaginer ce que ça donne quand je marche sur des gravats, quand j’entends leurs gémissements qui font peur, quand j’entends mes amis les achever pour de bon.. Comme dans les films qu’on regardait quand j’étais petite, ceux que j’avais pas le droit de voir. La Citadelle, du coup, c’est froid, c’est glauque, ça se sent. C’est sous terre déjà.. Puis ça pue, ça sent le renfermé, les gens puent, je n’ai pas osé leur dire puisque ça ne se fait pas mais.. Vraiment, quoi..

C’est quand on est partis que ça s’est gâté, à mi chemin entre la Citadelle et chez nous je ne sais pas trop comment ni pourquoi, mais il y a eu trop de zombies. On a dû courir, quelqu’un m’a pris la main à un moment, pour me guider mais au bout d’une dizaine de mètres je me suis pris quelque chose, vu le bruit que ça a fait, je crois que c’était une voiture. Ma jambe droite avait tapé dans le pare choc et j’ai lâché la main de celui qui m’aidait. Eux, ils ont continué à courir. J’ai entendu les cris de panique, ils sont partis. J’ai essayé de suivre, j’avais peur. J’ai fais tomber ma canne, la petite bille s’est cogné contre quelque chose de trop gros et ça m’a échappé des mains, j’entendais les zombies tout autour de moi. J’ai vraiment cru que j’allais mourir comme ça, mais alors que je venais de me jeter à quatre pattes sur le sol pour chercher ma canne, j’ai touché ce qui m’avait fait lâcher la canne. Un vieux carton tout mou, il y avait des trucs dedans, mais j’ai tâté le sol et rampant en avant encore et encore, et j’ai cogné ma tête contre du métal, encore, une sorte de chose surélevée. Un marchepied, encore d’autres cartons dessus, j’ai grimpé laborieusement comme j’ai pu, c’était pas très grand en fait et il y avait encore plein de cartons remplis de trucs et de machins. Le sol était en métal..

Et je suis là-dedans depuis. J’ai pas osé bouger, je n’ai plus rien entendu depuis longtemps mais j’ai si peur.. Je suis derrière plein de cartons, et je crois que du coup, je suis dans une camionnette, ou un camion ouvert. Les zombies n’ont pas dû me voir entrer ou alors ils ont pensé que j’étais partie ailleurs, ils n’ont pas fouillé le camion par chance, je sais qu’il en a plusieurs devant moi et que je suis assise contre une de ses parois, le plus loin possible, je peux sentir une légère brise face à moi quand-même donc je sais que je fais face à la sortie. Malgré les longues manches de mon gros sweat j’ai froid, toute recroquevillée sur moi-même.. En me cognant tout à l’heure, je me suis un peu entaillée le front puisque j’ai un petit peu saigné. Heureusement les zombies n’ont pas senti mon sang, je ne sais pas s’ils sont capables de faire ça normalement et je préfère me dire que non..  

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Je ne pense à rien sinon aux sons environnants, j’essaie de me concentrer le plus possible sur ce qu’il se passe de l’autre côté des parois du camion. J’entends quelques vagues râles plaintifs, les pas traînants et hasardeux des zombies qui sont encore là quelque part, je ne suis pas sûre qu’ils soient en train de s’éloigner d’ici. Je n’ai pas vraiment peur, je sais que si je ne fais pas de bêtises ils ne risquent pas de vouloir se promener dans cette remorque ou peu importe ce que c’est. J’entends le vent souffler une feuille, peut-être ce qu’il reste d’un livre, d’un journal, une liste de course d’un de mes amis Humanistes plus tôt. J’espère qu’ils reviendront vite me chercher.. J’espère qu’ils ne pensent pas que je suis déjà morte et que ça ne servira à rien de venir me trouver. Je pousse un bref petit soupir en baissant la tête pour poser le menton sur mes genoux, puis quelque chose me fait la relever même si ça ne sert à rien, sinon à mieux écouter peut-être. Un bruit de pas approchant avec trop de.. C’était trop précis, droit vers moi, le camion, trop assuré. Un ami ? Mais les zombies sont encore si proches. Je déglutis sans bruit.

Je suis littéralement tétanisée, si c’est un monstre je suis finie, je ne suis même pas sûre de bien être cachée derrière mes cartons. Je sens une pression sur les suspensions du véhicule, c’est infime, mais quelqu’un vient de monter et j’en suis sûre.. Je tremblotte frénétiquement sans savoir quoi faire, crier à l’aide ? Inutile, ce serait empirer la situation, je n’entends pas grogner c’est.. Un peu étrange, pour un zombie de ne pas grogner et râler comme c’est ce qu’ils font toujours.. Je prend une courte inspiration pour essayer de me donner du courage, je m’apprête à murmurer quelque chose à l’attention de je ne sais qui quand je sursaute brusquement en l’entendant se rapprocher et presque aussitôt sentir une grosse main me couvrir la bouche. Je n’ose même pas lever les bras, au contraire même en sursautant mes mains se sont plaquées contre le sol du camion, mon coeur bat la chamade. Je ne comprends absolument pas ce qu’il se passe ni ce qu’il veut, quand il se met à parler à voix basse. Son ton me fait peur, ce qu’il dit tout autant. Je hoche amplement la tête malgré la pression de sa main sur mon visage et tout aussi subitement je me retrouve sur l’épaule de cette inconnue personne en poussant un tout petit soubresaut de surprise quand mes fesses et mon dos quittent le sol et la paroi froide du camion.

Comme il me l’a.. Si gentiment, demandé, je ne bronche pas des masses pendant le trajet. Au fur et à mesure que les sons des zombies s’éloignent je me rassure quand-même un peu. L’homme me trimballe comme un sac à patates pendant un petit bout de temps et c’est quand il grimpe sur quelque chose de branlant que je me souviens que j’ai complètement laissé ma canne là-bas sur la route près du camion. Quelques instants plus tard je me laisse déposer contre un mur et quand l’homme me dit qu’on est sur un toit je frémis et n’ose plus bouger d’un pouce. Il veut aussi savoir ce que je faisais là dehors, il était là quand les zombies s’en sont prit à nous ? Pourtant il n’est pas Humaniste, déjà les Humanistes sont un peu moins méchants généralement, surtout entre eux, et je ne reconnais pas sa voix.. Je déglutis encore avant de lui répondre.

- Je.. Hum, merci déjà de m’avoir sauvée de.. Là-bas, je suis très reconnaissante, vraiment.. Mer-merci.. Et, euuuh, j’étais avec les autres pour retourner chez nous, au château de Vincennes.. On revient de la, la Citadelle.. Ils ont bien voulu de moi parce que c’était calme ces derniers temps.. Désolée, enfin, finalement non du coup.. J’aurais pas dû demander à sortir.. Merci encore, je.. Oh, est-ce que.. Vous étiez là ? Mes amis, ils ont réussi à partir n’est-ce pas..? Je suppose qu’ils.. J’espère du moins, qu’ils vont pas tarder à revenir, pas de nuit.. Il fait nuit, n’est ce pas ? Demain ils vont venir, je suis sûre.. Vous.. Vous êtes qui, monsieur..? Vous n’avez pas récupéré ma canne sur la route ? Je l’ai perdue tout à l’heure.. Désolée si je.. Parle trop ?

je m’excuse parce que tout à l’heure il ne voulait pas que je fasse le moindre son alors, là je ne sais pas si ça a changé, mais comme il m’a posé une question je me dis que j’ai eu le droit, maintenant..

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A chaque fois qu’il parle je sursauterai presque. Il ne répond pas forcément à mes questions, pas à toutes en tout cas. Il est si sec, je ne peux pas lui en vouloir.. Beaucoup de gens parlent comme ça ces temps-ci, beaucoup de gens sont très à cran. Les zombies et tout, ça doit vraiment être dur à gérer, quand on a des responsabilités. Je me demande lesquelles il a, lui. D’après lui, il a quelque chose de plus sûr plus loin, mais la nuit n’arrange évidemment pas. Je baisse lourdement la tête quand il dit que les Humanistes vont me croire morte, mes doigts se crispent et s’entrelaçent, je renifle un peu bruyamment à cause de cette idée qui s’immisce dans mon esprit. Je ne veux pas être le sujet de préoccupations, je n’aurais vraiment pas dû vouloir sortir, j’ai fais une bêtise. J’espère que j’aurais l’occasion de les retrouver et de m’excuser. Cet homme avec moi à l’air d’être.. Une bonne personne mais je ne sais pas trop, il est quand-même rustre, rien qu’à sa manière de m’avoir fait taire tout à l’heure. Je retiens quoi qu’il en soit des larmes, il n’a pas l’air tendre alors..

Surtout comme il me traite, il prétend qu’il m’a sauvée juste par principes mais je ne peux pas penser que c’est juste pour ça. S’il était là depuis le début, il aurait choisi de nous aider, enfin, d’aider les autres.. Peut-être que.. Je ne sais pas, je ne suis pas dans sa tête, même s’il ne veut pas le clamer haut et fort, c’est une bonne personne. Je sais que beaucoup auraient passé leur chemin, lui, non.. Moi, ça me suffit amplement. Après un autre reniflement j’inspire longuement, gonflant mes poumons au maximum, j’ai peur de lui parler en vrai.

- Vous m’avez quand-même aidée.. Il y a plein de gens qui.. Ne l’auraient pas fait. Je vous remercie.. ai-je articulé dans ma barbe, timidement.

Juste après, il m’a simplement dit de ne pas bouger et qu’il reviendrait, si bien que je ne suis même pas sûre qu’il m’ait entendu parler. Je reste donc là, seule avec mes songes comme trop souvent. Je lève la tête, je cherche un peu à droite et à gauche, soudain je perçois, au travers de cet épais voile noir qui masque ma vue depuis toutes ces années. Une mince lueur, on croirait presque à la lumière au bout du tunnel, la fameuse.. Je souris en la voyant, je sais que c’est la Lune. On m’a toujours dis de ne pas regarder le soleil directement, je le vois aussi, mais je ne le regarde pas. La Lune, c’est différent, j’ai le droit, ça n’abîmera pas encore plus mes pauvres yeux. Je peux.. Voir, quelque chose, une toute petite bille d’un gris brillant, à peine visible. Je la contemple fixement avec ce sourire au lèvres beaucoup de nuits quand je regarde par la fenêtre de ma chambre au château. Avant, au lycée j’avais du mal à la voir avec tous les bâtiments autour. C’est pour ça que j’aime beaucoup le château, j’y vois mieux la Lune. C’est toujours ça de prit..

La brise est douce, il n’y a pas trop de vent, et c’est si calme. Je peux entendre très lointainement de l’agitation, mais rien de vraiment trop proche. Je sais que l’homme reviendra, je n’ai pas peur pour lui, je suis sûre qu’il sait y faire. J’ai confiance en lui, je pense que sous ses airs de brutes c’est quelqu’un qui a des bonnes valeurs, il m’a aidée, c’est qu’il doit en avoir..

L’attente n’est pas très longue, assez vite j’entends des pas venir vers moi et j’entends grimper. Je cesse de regarder la Lune pour essayer de me concentrer à nouveau sur l’inconnu amical. Un drôle de son se fait alors entendre, comme s’il tailladait dans quelque chose, puis.. Il pue encore plus que tout à l’heure, quand il m’a portée c’était pas super mais là, même alors que je suis plus loin, c’est comme s’il sentait la mort, qu’est-ce qu’il est bien parti faire ? Il me tend quelque chose qu’il me somme de manger sans faire la difficile. Je m’attends vraiment au pire, tendant les mains, je récupère.. Un.. Un truc, tout gluant, mou, ça coule, ça suinte, je suis sûre que c’est du sang. Le morceau me glisse presque des doigts quand je l’approche de mon visage. Je sens ce qui s’apparente à de la viande en espérant découvrir ce que c’est mais impossible. Il m’a aussi dit qu’on passerait la nuit sur ce toit en fin de compte, je me demande ce qui a bien pu lui faire changer d’avis, apparemment son endroit sûr plus loin est impossible à rejoindre, peut-être qu’il y a trop de zombies sur la route. Je n’ose pas trop.. Mettre le bout de viande dans ma bouche, je sens déjà que ma main et toute sale et je manque de sursauter et de tomber sur le côté quand il m’effleure le bras. J’ai entendu l’homme boire, j’ai entendu le bruit de l’eau dans la gourde quand il a ensuite dirigé celle-ci vers moi, je prend d’une main la gourde pour boire un peu, craintive. Puis après la lui avoir rendue je me dois de lui répondre.

- C’est.. Vraiment pas très sympa, de me traiter de fardeau.. Je sais que je suis.. Bah, oui.. Non, rien en fait, pardon.. Dans mon groupe ils sont gentils, mais naïfs, ils ne le sont pas.. Pas trop, je crois. Plein de choses ne vont pas pour le mieux chez nous, je sais juste qu’ils font comme ils peuvent pour qu’on vive correctement.. Enfin bon, merci pour la canne.. J’espère qu’on pourra récupérer la mienne demain, c’est un cadeau, à vrai dire.. Elle me tient à coeur..

Ensuite, j’inspire et essaie de manger le bout de viande. Directement, je sens que c’est cru comme je m’y attendais. C’est tout filandreux et difficile à mâcher, le goût est fort, il y a comme une odeur pestilentielle qui agresse mes narines de l’intérieur. J’ai un haut-le-coeur en mâchant. Je met plusieurs minutes à trouver le courage d’avaler un morceau, c’est dur, mais.. Il l’a dit, il faut bien. Je n’ai toujours aucune idée de ce que c’était et je ne me risquerais pas à lui demander de peur de vomir directement, après avoir autant eu de mal à avaler, ce n’était pas pour tout recracher aussitôt.

- Vous ne voulez toujours pas me dire comment vous vous appelez..? Moi je m’appelle Dolorès, mais pour aller plus vite on m’appelle Doll.. Et vous ?

Après ça, je prend mon courage à deux main et mâchonne un nouveau petit morceau de cette viande infâme qu’il m’a donnée.

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Je fronce les sourcils quand il me répond, je sais au moins qu’il s’appelle Dan, Dan Raven quelque chose. Ce n’est pas français, et il doit faire partie de l’armée vu qu’il m’a donné un matricule.. Plein de chiffres que j’ai aussitôt oubliés puisque je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi précis. Il précise même qu’il est d’un groupe d’opération spéciales.. A mon avis ça fait très longtemps qu’il n’est plus en missions mais peut-être que les habitudes sont tenaces, je me frottes encore les yeux quand je me réveille le matin après tout alors.. Après ça Dan m’explique que je ne devrais pas me reposer sur les Humanistes. Je ne sais pas trop comment je pourrais faire d’autre. Je n’y vois rien, je ne peux pas faire autrement, peut-être qu’il n’a pas idée d’à quel point c’est dur. J’ai tellement de mal à me repérer au sein même du château des Humanistes, dans un Paris en ruine c’est mission impossible ! Au moins il est un peu moins méchant, il espère que je m’en sortirai, que j’apprendrai, aussi. Je me disais bien qu’il était quelqu’un de bien, ce Dan. Dans le fond..

Je me recroqueville sur moi-même à la fois pour poser mon menton sur l’un de mes genoux alors que je termine de mâchonner un autre petit morceau de cette viande infecte et crue qu’il a été trouver je ne sais où, mais aussi pour me protéger un peu du froid. C’est qu’il fait bien nuit et malgré mon sweat trop grand qui en plus est par dessus un t-shirt à manches longues j’ai toujours été frileuse alors je tremblotte.. Et, étonnamment c’est comme si Dan avait lu dans mes pensées, ou dans mes actions et m’avait couverte avec ce qui semblait être un manteau ou une veste. Dan vient de l’enlever, j’ai bien entendu les froissements de textile, les manches qu’on retire.. C’est assez reconnaissable au final, il suffit de faire attention. Je souris, même si la question qu’il m’a posée juste avant de faire ça m’est douloureuse en quelques sortes. Le fait qu’il ait cette petite attention vis à vis de moi me donne du baume au coeur..

- Merci beaucoup, euh, Dan.. C’est.. Vraiment gentil ! je le remercie en ajustant au mieux le vêtement d’un main puisque je me sers de l’autre pour manger, par chance Dan est bien plus grand que moi alors sa veste me recouvre bien, je me sens déjà un peu mieux et je sais que ça va s’améliorer. Et puis.. Bien.. Pour revenir à ce que vous disiez je.. Je ne sais pas comment je pourrais ne pas me reposer sur les autres.. Je ne suis pas fière d’être un boulet pour tout le monde, mais je n’y vois rien, je ne peux paaaas.. Faire autrement, j’ai besoin des autres, moi..

J’essaie un peu de retarder le moment où je vais devoir parler de l’arrivée dans ma vie de ma cécité. Ce moment, c’est même maintenant en fait. Je déglutis, le goût vraiment pas agréable du sang et de viande crue le long de la gorge, j’en avale le dernier bout et m’essuie les mains sur mon sweat qui doit déjà être assez sale de toute façon.

- Je suis devenue aveugle au début de.. De tout ça.. Le jour où Paris a été bombardée, avec ma soeur.. On était dans une cave, et ça a explosé, et ça m’a explosé au visage, de la vapeur.. Beaucoup de vapeur, depuis, je n’y vois plus.. Du coup ça me manque, je sais que je rate plein d’horreurs grâce à ça mais.. Si je pouvais juste être un peu utile, juste un peu ! Je me sentirais mieux..

Je n’ai pas envie de parler que le fait de perdre la vue m’a privée aussi de ma soeur, Penelope, qu’elle m’a probablement laissée tomber à cause de ça.. J’ai déjà les émotions qui remontent à moi et l’envie de pleurer contre laquelle je lutte, ça serait m’achever, de parler de ça.

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J’arrive à garder mon calme, ça va. Je ne pleure pas et c’est une grande victoire pour moi ce soir. Je constate qu’un petit blanc s’installe alors entre Dan et moi, je croyais qu’il ne reprendrait plus la parole et qu’il allait falloir dormir tout de suite quand je l’entend vaguement bouger et que directement après je sens une main s’approcher de mon bras, il me guide vers quelque chose que je finis par toucher. C’est froid, j’y pose la main sur quelque chose d’inconnu, je ne comprend pas de quoi il s’agit au premier abord. Il faut dire que je n’ai jamais rien touché de ce genre, mais ça doit avoir une signification pour que ce soit lui qui me pousse à y toucher. Sur le coup j’ai l’impression que c’est son arme, ce dont il se sert pour tuer les zombies, puis il parle et je commence à mieux comprendre, lentement mais sûrement. Je remonte un peu et je commence à effleurer du tissu, je viens vite à la conclusion que c’est le bras de Dan et qu’il en a perdu une partie, qu’il porte une prothèse un peu bizarre.. Faite avec les moyens du bord, rudimentaire.. Il me le confirme juste après.

J’en suis triste pour lui, perdre un membre ça doit être comme perdre la vue dans le fond. Sauf que lui il a pu palier à ça, en quelques sortes.. Je baisse la tête un peu honteuse comme quand je me faisais gronder par mes parents quand il dit que ce n’était pas malin, de sortir de Vincennes. Dans le fond je le sais mais bon.. Il m’explique ce que je pourrais faire tout en restant dans le château pour aider comme je le pourrais mais je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’il n’y avait pas que ça qui m’avait poussée à sortir de l’enceinte sûre du camp des Humanistes.

Il ne me laisse pas particulièrement le temps de répliquer qu’il s’éloigne et me dit ce que je pensais qu’il dirait plus tôt, qu’il faut dormir. Je souris quand-même faiblement, je suis contente qu’il m’ait dit que je n’étais pas inutile. Venant d’un homme comme lui. Comme il dit aussi, demain il faudra que je sois en forme. Je hoche la tête sans même savoir s’il me regarde et je m’allonge sur le côté en faisant attention, toujours la crainte du vide et d’une chute soudaine. Il fait toujours froid mais moins qu’auparavant grâce à sa veste. J’aurais pu avoir pire, comme sort, rester dans ce camion par exemple. Je n’arrête pas d’y penser. Je n’arrête pas de penser tout court, au début, n’arrivant pas à dormir.

Je ne sais pas à partir de combien de temps j’y suis finalement arrivée mais d’un coup d’un seul, mon sommeil a commencé à s’agiter, je crois que j’ai fais un cauchemar. C’est toujours horrible, parce que je peux voir, et quand je me réveille et que j’ouvre les yeux je n’y vois plus rien. Enfin bon..

Du coup, j’ai aucune idée de quelle heure il est, de si Dan dort, de s’il est même encore là. Ma respiration est rapide, comme si j’étais essoufflée mais en réalité je suis affolée. Je me redresse un peu, j’ai la nuque toute rigide d’avoir dormi sur une surface solide, quelques petits cailloux dans les cheveux, la gorge un peu sèche et le nez qui commence à se congestionner. J’ai peur de tomber malade à dormir dehors comme ça.

- Dan..? Est-ce que vous êtes là..? Vous dormez..? je demande en murmurant. J’espère plus que tout entendre.. N’importe quoi, n’importe quel signal qui m’indiquerai que je ne me réveille pas encore une fois seule, sa voix, un soupir, un ronflement, même..

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Immédiatement après que j’ai élevé la voix, j’entends Dan me répondre mais il me dit qu’il y a un problème. Je ne comprend pas tout de suite, puis je commence à réaliser que des zombies sont là. Leurs râles, leurs gémissements et leurs grognements sont bien audibles. Juste après, ce sont des espèces de bruits de combats que j’entends, Dan est en train de s’occuper d’eux. Je les sens si proches de moi, ces zombies. Leur odeur est poignante d’une part, et ensuite j’entends vraiment très bien leurs bruits et ceux que fait Dan en les achevant, les pauvres. Je me recroqueville sur moi-même, ne bougeant pas d’un pouce. Le stress qui monte un peu, si Dan se fait tuer là tout de suite, est-ce que les zombies me voient ? Si oui, ils vont vouloir m’attraper et n'abandonnerons pas tant qu’ils me verront.. Si personne ne passe par là.. Eux, ils sont infatiguables, ils n’ont pas besoin de se reposer. J’espère vraiment que Dan va avoir raison d’eux et pas l’inverse parce que c’est vraiment trop, ils ont l’air beaucoup.

Mais au moins.. Il se bât pour moi, il ne s’enfuit pas, ça me fait vraiment plaisir d’une certaine manière de l’entendre combattre. Peut-être que si les Humanistes hier ne s’étaient pas enfuis.. Enfin, je n’ai aucune idée de combien il y en avait, je sais juste qu’ils sont partis très vite. Au final, j’attends, j’écoute, Dan en tue beaucoup, il a l’air de s’en sortir.. Les bruits que font un zombie qui meurt sont vraiment pas jolis, le crâne qui se brise, le sang qui gicle, éclabousse le sol, l’odeur de leur cervelle, le choc sourd du cadavre qui tombe sur le sol.. J’y suis habituée sans l’être. J’ai le sentiment que je ne pourrais jamais m’y faire complètement..

Enfin bon, à force, Dan ressort victorieux de la bataille. Le dernier râle s’éteint et laisse place au silence après sa chute, et l’homme à mes côtés reprend la parole. Je l’écoute attentivement en me tournant vers sa position approximative, restant à genoux, je n’ose pas me lever sachant qu’on est en hauteur je ne sais trop où.. Quand il a fini de parler, il est venu me prendre la main, ce geste me rassure toujours, de la part de n’importe qui. Là au moins en marchant je sais où je vais, et juste avant de me lever je tâtonne du plat de la main sur le sol environnant jusqu’à sentir ma canne. Je souris tout en me levant pour le suivre, je suis très heureuse ! C’est mon.. Mon arme, même si je ne m’en sers pas, il y a ce couteau solidement scotché au bout pointé vers moi, il me suffirait de planter d’un coup sec, il paraît, mais je n’ai jamais osé essayer.. Quant à l’autre extrémité c’est une petite roulette que je laisse au sol quand j’avance pour savoir s’il y a des obstacles face à moi. L’avoir en main me fait beaucoup de bien, c’était un peu un cadeau alors ça me rassure de savoir que je ne rentrerai pas sans, finalement.

- Mer-.. Merci ! Merci beaucoup, Dan ! J’y tenais.. Vraiment, beaucoup.. Et merci d’être resté, cette nuit, et là maintenant pour tuer les monstres. Dis, pourquoi tu veux pas venir au château..? Tu me sauves la vie, les Humanistes ne te feront rien de mal.. J’ai du mal à comprendre.. Enfin, tu fais ce que tu veux, je suppose..

Je le suit dans la descente, je fais attention, puis j'atteins le sol. Je ne suis pas mécontente de finalement retrouver la terre ferme.. Je peux enfin suivre Dan d’un pas plus assuré. J’essaie de ne pas trébucher sur les corps sans vie au sol, aussi, ce serait vraiment bête..

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Dans la rue, je l’admet j’ai un peu peur. L’autre jour j’étais plutôt sereine, on était plusieurs Humanistes et on m’avait dit qu’il n’y avait pas trop de zombies dans les rues qu’ils empruntaient ces temps-cis. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait un pépin, du coup je n’ai eu peur qu’au moment où ça s’est corsé.. Là, je ne suis qu’avec Dan, j’ai confiance en lui et je sais qu’il est très fort, qu’il me protégera quoi qu’il arrive mais je ne peux m’empêcher de craindre pour nos vies. S’ils étaient trop, vraiment trop, que ferait-on ? Je n’en sais rien. Il ne m’a pas répondue, il doit être très concentré. Je me crispe à chaque fois qu’il doit tuer un zombie sans me lâcher, j’ai peur que ça se passe mal, je n’ose pas faire le moindre pas de côté ou de travers pour m’éloigner des grognements, de peur de déstabiliser ou surprendre mon guide.. J’ai eu vraiment peur quand un zombie tout frais s’est rué sur nous deux, ceux là font vraiment très peur à courir et hurler. Je me souviens surtout d’eux, quand la ville a été mise à feu et à sang près de mon collège c’est eux que j’ai vu arriver en sprintant sur les gens.. Ces souvenirs me glacent le sang, les plus récents n’ont pas de pitié..

Après qu’il l’ait tué, Dan brisa le silence qu’il avait instauré pour enfin me répondre. Je tripote nerveusement ma canne du bout des doigts pendant qu’il parle, pas sereine du tout. J’ai hâte que tout ça soit terminé.. Dès sa première question, je déglutis, moi.. Non, je n’ai jamais rien tué, vivant ni mort-vivant.. Pas même une mouche, depuis que ça a commencé, il le devine d’ailleurs plutôt rapidement. Je n’ose pas m’imaginer tuer une vraie personne pour survivre. Je ne sais pas.. Ce que je ferais, si j’étais dos au mur, je n’ai vraiment pas envie de savoir. Je comprend où il veut en venir, je n’ai rien à dire pour contrer sa parole.. Il ne serait pas rejeté, mais je ne sais pas s’il serait vraiment aussi intégré que tout le monde s’il avouait avoir tué des gens saints plus d’une fois..

- Je.. Je ne sais pas.. Tu n’es pas une mauvaise personne, tu me sauves la vie, au fond tu dois être.. Assez bien pour ne pas craindre d’être jugé pour le reste.. Je.. je commence à bafouiller un peu, mais il me coupe la parole pour parler à son tour.

Il y a une créature.. Inoffensive..? Je dois la tuer..? Je me tait immédiatement, je me demande s’il rigole mais, même si je le connais depuis moins d’une journée il n’est vraiment pas du genre à raconter des blagues, Dan.. Je regarde dans sa direction, sa silhouette floue et vaguement grisâtre dans mon champs de vision, je prend peur. Je n’ose pas faire un seul pas en avant. S’il ne me tenait pas la main j’aurais reculée, même.. Dan ne veut pas que je réfléchisse mais je ne peux plus faire que ça. J’ai peur de mourir, déjà, j’ai peur de.. De mal faire, de tout faire capoter, de l’entraîner dans une bourde.. J’ai peur de.. De tuer, aussi, ça me terrifie. Je n’arrête pas de me dire que.. Que les morts peuvent nous hanter, je ne veux pas que des zombies me hantent, je ne sais pas qui était cette pauvre âme, je me dis qu’elle n’a peut-être pas du tout mérité ce qui lui est arrivée.. Et mérite-t-elle que je la tue..? Moi qui ne suis pas du tout une bonne survivante, capable de me défendre seule, est-ce que.. Est-ce que j’ai seulement le droit d’ôter la vie de quoi que ce soit ? Peut-être qu’elle souffre, là, peut-être que ça serait la soulager, de la tuer.. Et me voilà que je pense vraiment trop, je reprend peu à peu mon souffle.

- J’ai.. J’ai peur, et si je me loupe..? Je ne veux pas risquer votre vie encore plus que je le fais déjà.. Et puis.. Et puis.. Enfin.. Je suis vraiment obligée..? Je voudrais savoir.. J’ose pas, enfin.. Tuer, vous vous l’avez fait alors.. E-Est-ce que ça vous.. Pèse, sur la conscience..? Qu’est-ce que ça fait..? Je veux pas me sentir mal.. Vous avez parlé de changement.. C’est.. C’est pas du bon changement, c’est ça..?

J’imagine que je parle aussi surtout pour repousser l’échéance, mais j’ai quand-même vraiment besoin de savoir ce que ça fait, si c’est mal.. Je ne veux rien faire de mal, j’aimerais rester une bonne personne là où plein de monde a cessé de l’être..

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Il me rassure un peu à m’assurer formellement que je suis, quoi qu’il arrive, hors de la portée de ce monstre au sol. Même si, me connaissant je serais capable de faire une bêtise et de me retrouver dans la mouise.. J’avance avec lui un petit peu plus sereinement, j’entends le zombie au sol grommeler distinctement et je devine à peu près où il se trouve. Pendant que Dan me parle je dirige mon regard vers le zombie, essayant de le distinguer au sol, mais c’est trop compliqué je ne vois quasiment rien et il serait trop dangereux de m’approcher d’avantage, je vais vraiment devoir faire ça à l’aveuglette, comme on dit. Dan veut vraiment que je tue cette pauvre chose en tout cas, on ne partira apparemment pas tant qu’elle vivra. Il me met beaucoup de pression, ça me met mal à l’aise. Il passe aussi devant moi et je ne peux plus espérer voir le zombie au sol, tiens. Je relève la tête vers lui, même si je ne peux pas distinguer clairement son visage, je sais à peu près où il se trouve.

Vient ensuite le moment où il répond à mes nombreuses interrogations. Tuer ne serait pas une si mauvaise chose, à l’écouter lui, qui l’a déjà fait beaucoup de fois si j’ai bien compris.. Ce ne serait pas si grave, tant que ça reste.. Nécessaire, je crois que c’est ce qu’il cherche à me dire. Ce truc au sol là, il voudrait me trucider, s’il en avait l’occasion. Je suis sûre qu’au moment où il me parle, elle tend les bras pour essayer de nous attraper, ça me donne un petit frisson mais bon. Ce serait donc tué où être tuée. Je fais la moue quand il dit qu’un jour il pourrait arriver qu’un zombie se rue sur moi ou même quelqu’un que j’aime. Même si je ne l’ai plus vue depuis cinq ou six ans, je pense irrémédiablement à ma soeur. Il n’y a qu’elle qui apparaît dans ma tête pour ce scénario. Elle aurait fait la même chose pour moi, me protéger, même aveugle je ferais n’importe quoi pour elle. C’est ma famille, tout ce qu’il en reste, les autres survivants.. Je les aime, je voudrais pouvoir sauver tout le monde mais Pénélope plus que tout au monde. Je soupire faiblement, j’espère vraiment qu’elle est toujours là, quelque part. Je souffle plus fort cette fois, pour me donner du courage, ma respiration est chevrotante, j’ai un peu peur.. Je hoche cependant la tête à ce que dit Dan.

- D’a.. D’accord, je vais le faire.. J’ai juste.. Besoin d’une seconde.. dis-je.

Tout de suite après, Dan s’écarte, et je me retrouve de nouveau face au monstre misérable au sol. Je déglutis difficilement, faisant rouler la bille de ma canne de malvoyant jusqu’à heurter ce que je pense être son bras. Le contact l’énerve, il grogne de rage et j’en sursaute un peu, j’ai presque envie de reculer mais je m’y refuse. Je commence à avoir un peu chaud, stressée, peut-être un peu de sueur perlant sur mon front. Je souffle encore, mon coeur bat vite dans ma poitrine, j’ai comme l’impression qu’il cherche juste à s’enfuir loin d’ici. Je remonte le long de son bras, je le confirme dans ma tête lorsque je sens l’angle d’un coude, je monte avec plus de précision jusqu’à son crâne. Je n’aime pas faire ça mais je suis obligée de tapoter dessus, ça l’enrage encore plus, ce pauvre zombie. Je suis vraiment sûre que c’est son crâne dès le moment où par mégarde le bout de la canne entre dans sa bouche et que son râle de colère s’étouffe.

- Oups ! Par-.. Pardon, pardon pardon.. j’ajoute en reculant la canne, mais maintenant que je sais, c’est le moment d’en finir je suppose..

Je garde en tête l’inclinaison de mon bras, je focalise mon regard sur cette masse informe, floue et grisâtre qui est la tête du zombie. Je ne la quitte pas de mes pauvres yeux, être aussi concentrée là dessus me fait presque mal, je suis rarement obligée de fixer quelque chose comme ça.. Bon. Je tourne ma canne, bille vers moi, couteau pour la première fois pointé vers le sol. C’est un drôle de sentiment, la canne est plus lourde du coup. Plus dangereuse, aussi.. J’ai la nausée, je sais maintenant que je suis un peu en sueur. Les secondes passent si lentement, j’ai l’impression d’être face à la chose depuis des jours maintenant. Dan est toujours là à mes côtés, je sens sa présence, heureusement.. Il faut dire que ça me rassure beaucoup de le savoir juste là, en cas de boulette.

Juste pour être sûre je touche son crâne, sûrement son front avec le bout de la lame, pour ne pas rater quand le moment viendra..

Je lève mon arme, je ne sais même pas comment procéder. Un coup sec, oui, mais est-ce que je dois prendre de l’élan..? J’ai déjà vu Pénélope tuer un zombie, une fois, avec un tisonnier. Je ne me souviens plus très bien, le zombie nous avait prises par surprise dans l’appartement dans lequel on devait se replier. Je m’étais cachée dans la pièce d’à côté comme elle me l’avait dit, quand je suis revenu, Pénélope était en train de vomir et l’arme était plantée dans l’oeil du monstre, gisant au sol, et j’ai vomi moi aussi. Bon.. Vu que l’arme était plantée, j’imagine qu’il faut que je fasse de même, d’assez loin assez fort. Je lève encore un peu plus mon arme avec mes deux mains sur la canne, par dessus mon épaule gauche. Mes mains et par extension, mes bras tremblent. J’ai une bonne allonge avec cette canne, je n’ai même pas besoin de faire de pas en avant pour l’atteindre je crois..

L’espace d’une seconde j’hésite, je commence même à baisser les bras, prête à dire que je ne peux juste pas y arriver. Puis je revois ma soeur tuer cette créature. Elle a toujours dit qu’il fallait les fuir, mais là elle s’était battue, elle aurait très bien pu mourir, pour moi. Elle m’avait dit de courir à côté et de me cacher, si elle était morte.. Je l’aurais sûrement été aussi, mais même aux portes de la mort elle faisait attention à moi. J’ai repensé à ça et j’ai relevé mon arme. J’aurais été ingrate de ne pas le faire. Je fronce les sourcils de colère et même si je tremble encore j’abat mon arme sur le zombie. Je sens la résistance du crâne pourri du monstre au sol, je le sens se briser, l’entend, même. C’est horrible, encore plus quand c’est moi qui le fait. Elle cesse de grogner très vite après. Je reste stoïque.. Je l’ai fais..? J’essaie de retirer le couteau mais il reste planté là, le bruit de chair, d’os et sûrement de cervelle me dégoûtent vraiment. J’en ai un haut le coeur mais je ne vomis pas, heureusement, parce que la viande d’hier est très bien là où elle est.. Mon coeur bat toujours aussi fort et mes mains sont moites, j’en lâche mon arme et lève les mains.

- Mon dieu, mon dieu mon dieu mon dieu ! C’est mort..? Il est mort ? Je ne vous ai pas planté la jambe par accident, ça va..? Oui, je suppose.. Mon dieu, j’ai tué un zombie.. Je.. Je, euhm.. Je crois que quelque chose vient par ici.. Non ? Vous voyez quelqu’un..?

Pendant que je parlais, j’ai commencé à entendre ce qui pouvait s’apparenter à des pas traînants dans les gravats, peut-être que c’est juste un animal mais ça me stresse tout de même, et puis Dan m’avait bien dit de le prévenir si j’entendais quoi que ce soit alors..

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J’ai un peu peur des bruits que j’entends approcher de nous mais en même temps je suis contente d’entendre Dan me féliciter de nous avoir tirés d’un mauvais pas. Je n’oublie cependant pas que je viens de tuer un zombie. J’en tremble encore, je sursaute lorsque Dan prend ma main pour me guider à l’écart, il faut qu’on s’en aille du coup, vu le bruit que ça commence à faire ils ne sont pas que deux ceux-là. Et j’ai tué quelque chose, je n’arrive pas à y croire. Je n’arrête pas de me dire que c’est mal, quelque part, malgré tout ce que m’a dit Dan, tout ce qu’il a dit doit être vrai, c’est logique même. Je n’ai pas été contente de le tuer, alors c’est bien, mais le geste est là, je ne sais pas, je me sens un peu bizarre. Un peu triste, sûrement, je pensais que je ferais partie de ceux qui ne feraient jamais une telle chose, d’autant plus que je suis aveugle.. Enfin bon. Il faut bouger, je fais attention aux gravats, aux obstacles, comme d’habitude quoi. Je me focalise sur mon environnement et je fais surtout très attention à ne pas trop penser à la petite foule de zombie derrière nous.

D’un coup alors qu’on avance comme ça depuis tout à l’heure, je comprend que Dan dégage quelque chose, des roches, c’est bizarre. Pourquoi est-ce qu’on avance plus d’un coup ? Très vite je me retrouve.. Dans un trou ? Je ne comprend pas où je suis, c’est à l’ombre, il fait frais, j’ai mal au dos et aux fesses, il y a plein de cailloux pas très confortables, mais je ne dis rien écoutant tout d’abord mon guide parler. Il me dit qu’il va revenir. Il me dit qu’il va éloigner le groupe de zombies derrière. Je déglutis, il me dit que si quelque chose approche je dois le tuer sans réfléchir. Je hoche la tête de manière affirmative mais.. J’ai très peur, je ne veux pas avoir à faire ça. Vraiment pas, pas toute seule.. Je garde ma canne dans le bon sens même si je n’ai pas trop de place pour donner des coups. Bon..

- Ne vous faites pas manger.. Dis-je alors qu’il s'éloigne, ayant bloqué le passage, j’ai vu la lueur diminuer, au vu du son, il a posé quelque chose devant moi. j’ose pas y toucher, de peur de tout casser, mais bon.

Il part donc. Je me retrouve seule, je soupire pleine de stress. La boule au ventre.. J’attends, je n’entends rien, puis des coups sourds lointains, ça doit être Dan. C’est forcément lui, j’ai bon espoir.. Il a l’air de savoir ce qu’il fait.

Au bout de quelques minutes, j’entends un petit truc gratter à côté de moi. Au fur et à mesure que le temps passe, ça se rapproche. Un peu de poussière tombe, et je sens un petit truc tout froid qui effleure ma joue, je sursaute immédiatement et me tourne, mon sursaut a dû faire peur à la chose puisqu’elle crie, et c’est.. Un rongeur, un rat, une souris, un truc qui couine. Je ne sais pas ce que c’est mais bon.. Elle tombe, ou saute, je ne sais pas. Je frissonne lorsqu’elle atterrit sur mes jambes repliées. J’ai un.. Gros rat, sur les jambes. Mais en vérité, j’aime trop les rats et les souris ! C’est trop adorable ! Même si j’ai un peu peur, je souris de plaisir et j’essaie de caresser la bête, elle ne bouge pas trop, elle se faufile entre mes bras mais reste là. J’essaie alors de lui gratter le haut de la tête. Au début elle se laisse faire, puis Dan revient, surgissant de nulle part et la bête me mord le doigt et s’enfuit.

Aoutch.. je laisse échapper, une petite douleur au bout du doigt.

Puis Dan m’annonce qu’on est proches du château, je laisse échapper un soupir de contentement cette fois.

- Ah, super ! Je suis contente.. Eh, un rat est venu me faire coucou, pendant que j’étais dans le trou ! J’explique en levant mon doigt blessé, l’index, montrant ma petite blessure.

En fait ça faisait très longtemps que je n’ai pas eu d’interaction avec un animal, même s’il m’a mordu. D’un autre côté je suis triste de bientôt retourner au château, enfin, oui et non.. Puisque voilà j’y serais en sécurité.. Mais Dan ne viendra pas. C’est un peu triste ça, je trouve, il m’a sauvée et il ne veut pas qu’on le sache. Je le saurais, moi, mais bon.

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La petite morsure de rat a déjà cessé de me faire mal au doigt et je crois que je ne saigne déjà plus, je ne suis d’ailleurs même pas sûre d’avoir vraiment saigné, enfin bon. La marche était tranquille désormais, plus de zombies à nos trousses et le château devient de plus en plus proche. Je commence à le comprendre parce que lorsque le vent souffle un peu j’entend le bruissement des feuilles et il y a beaucoup plus de chants d’oiseaux autour de nous que tout à l’heure, en plein coeur de Paris. En plus de ça la bille de ma canne rencontre parfois ce qui semblent être de petites brindilles, nous sommes définitivement bientôt dans une zone plus boisée. Je suis très heureuse, parce que ça veut aussi dire beaucoup moins de zombies de manière générale. Tous les Humanistes disent qu’ils ne s’approchent pas trop des zones boisées parce qu’il n’y a rien à y manger là bas, ou alors des animaux sauvages mais ceux-là sont trop vifs pour eux.

Soudain on s’arrête et je vois la silhouette grise et floue de Dan s’agenouiller juste en face de moi. Je comprends déjà où il va vouloir en venir, c’est peut-être la dernière fois que je le verrais. Il me dit que je n’aurais que deux cent mètres à marcher, à peu près. Nos chemins se séparent ici, comme il dit, j’en suis triste j’aurais voulue qu’il rencontre les autres mais bon. Ce n’est rien.

- D’accord.. Vous aussi, prenez soin de vous.. dis-je pour lui répondre alors qu’il se lève et s’éloigne peu à peu.

Sa nouvelle prise de parole alors que j’avais à peine fait un pas en avant vers le château me fait m’arrêter pour l’écouter, la tête à moitié tournée vers lui pour mieux l’entendre. Je souris, c’est le genre de petite attention dont j’avais besoin. J’essaierai bien de trouver quelque chose d’utile à faire pour les autres sans pour autant me mettre en danger comme je l’ai fais hier. Je n’ai même pas le temps de lui répondre que je l’entend partir aussitôt. J’aurais voulu lui répéter encore que c’était quelqu’un de bien à mon sens, malgré ses dires et ce qu’il doit penser de lui-même, mais je n’en ai pas eu le temps.

- Merci.. je réponds alors seulement à voix basse.

Je marche ensuite dans la direction indiquée, droit vers le château. Cela me prend une ou deux minutes avant d’être vue par quelqu’un.

- Putain de merde ! J’ai des hallucinations ou c’est bien Dolorès ça ? Oh mon dieu !

J’entends quelques personnes se parler entre elles, s’interroger probablement, puis quelqu’un qui court vers moi, je vois sa silhouette quasiment informe se rapprocher rapidement et je m’arrête, elle me prend dans ses bras avant de se reculer, les mains sur mes épaules.

- How the fuck ? Comment t’es rentrée ma grande ? Depuis hier t’es solo ? On était justement en train de partir pour te retrouver ! me demande Zoey l’une des récupératrices.

- Oui.. J’ai pu retrouver mon chemin.. ça été dur mais.. Enfin, voilà, j’y suis arrivée.. J’ai même dû.. Tuer un zombie à un moment.. Mais ça va, j’ai rien..

Je n’aime pas mentir, mais je suis obligée, sinon ils partiront peut-être à sa recherche, Dan.

- Eh bah putain ! D’ici une semaine tu nous trouves le remède au virus non ? Allez viens on rentre, j’suis genre, 50% plus attirée par toi maintenant.

Sur ces mots elle me prend doucement la canne des mains et après s’être retournée elle me soulève au niveau des cuisses pour me porter sur son dos. Je dois admettre que ça fait du bien, j’ai hâte de pouvoir m’asseoir dans un endroit confortable..

- Putain t’es devenues lourde, c’est du muscle ? ajoute-t-elle.

Elle me fait rire sur le coup, mais je pense quand-même à Dan, j’espère qu’il ira bien lui aussi. En attendant je me laisse porter, c’est bon d’être rentrée..

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