J'ai grandi dans une petite ville Belge, élevée seulement pas ma mère. Je n'ai jamais su qui était mon père et les rares fois où j'ai essayé d'en parler avec elle, son regard ampli de souffrance me faisait abandonner. Je ne me suis jamais plainte, ma mère faisait de son mieux pour s'occuper de moi, j'avais souvent ce que je voulais et elle m'a toujours donné l'affection dont j'avais besoin. J'étais son rossignol doré et elle était mon soleil, je faisais tout pour faire d'elle une mère comblée. Sage, polie,gentille, intelligente, souriante et talentueuse. La fille modèle.

Ah ! Je me rappelle comme j'aimais danser, jouer du piano et chanter à cette époque ! Ma mère pouvait passer des heures à me regarder avec émotion. Elle voulait tellement que je réussisse ma vie, en perçant dans la chanson et je dois avouer que l'idée me plaisait tellement que j'ai embrassé cette voie, si bien que j'ai quitté ma mère à peine le BAC en poche pour essayer de me faire connaître. Et quoi de mieux que Paris pour cela ?

Avec tout ce qu'il s'est passé, j'ai une étrange sensation qui me submerge en repensant à tout cela. Nostalgie ? Douleur ? Un peu des deux peut-être, mais je sais que je dois aller de l'avant et me consacrer à ma vie, qui n'est pas des plus à plaindre. Beaucoup de personne n'ont pas tout ce que j'ai, le confort que j'ai et encore moins la protection que j'ai. Je sais que certains voient d'un mauvais, mais pour moi ils sont tout et je leur dois la vie.

Je me souviens de la panique que j'ai ressenti au début, j'ai tout fait pour essayer de trouver un bus ou un train ou même un avion, qui pourrait me ramener auprès de ma mère. Mais rien ni faisait, j'échouais tout le temps et chaque tentative devenait plus risquée. J'ai fini par rester cloîtrée dans l'hôtel avec d'autres personnes que j'avais rencontré en chantant dans le métro ou la rue. Plus les semaines passées et plus on s'affaiblissait ayant trop peu de nourritures pour un tel groupe. Certains prenaient le risque de sortir et tous ne revenaient pas. Moi je préférai éviter, je n'ai jamais été forte et je ne me souviens même pas de m'avoir battu une fois, d'ailleurs pour éviter ça je m'étais offert un arsenal anti-agression que je gardais précieusement dans mon sac.

Les bombardements furent notre coup de grâce, si on pouvait dire ça ainsi. Après cette catastrophe, on n'avait plus de refuge et surtout on n'était plus que trois. On a fait comme on a pu après ça. Se cachant où on le pouvait et galérant pour trouver à manger. Alors que les choses ne pouvaient pas paraître pire, la vie a décidé de nous montrer le contraire. Marie s'est fait mordre et a fini par se transformer, Justin a dû l'achever avant qu'elle ne nous tue. Ce fut horrible, rien qu'à y penser les lames montent à mes yeux. Ce fût le pire pour Justin, il n'a plus été le même et quelques jours après je l'ai retrouvé pendu dans la pièce de l'endroit qu'on occupé.

Inutile de préciser, que j'étais à bout et que je me sentais totalement vidée. Je perdais aussi l'envie de vivre, mais ma lâcheté m'empêchait de passer à l'acte comme l'avait fait mon ami. J'avais trop peur de le faire. Je suis restée seule quelques jours dans l'appartement, avec le corps de mon ami sous un drap. Mais la faim et l'odeur horrible qu'il commençait à dégager, m'ont fait bouger de là. Ce fût ce qui a failli me tuer, mais aussi ce qui m'a sauvé d'une mort certaine dans un sens.

Je me suis retrouvée coincée dans une ruelle, avec trois infectés qui me fonçaient dessus. J'étais pétrifiée et j'imaginais la mort atroce que j'allais subir, regrettant ne pas avoir mis fin à mes jours. Mais ma mort ne vint pas. Plusieurs hommes ont surgi d'un peu partout et on tué ses infectés. Je me souviendrai toujours du moment où l'un d'eux m'a prise par le bras en me demandant comment j'allais et comment je me suis effondrée en larme dans ses bras. Le soulagement, la peur et le désespoir, voilà ce que j'affichais à cet instant précis.

Ces hommes m'ont emmené avec eux pour me mettre à l'abri, s'ils ne me l'auraient pas proposé, je pense que j'aurai supplié pour qu'ils le fassent. Je fus emmenée, examinée et soignée, j'eus le droit à un bon bain et ne parlons même pas du repas que j'ai mangé. Rien qu'à y repenser, avec la faim que je ressentais, j'avais la sensation que c'était le meilleur repas de toute ma vie. Puis j'ai découvert qui ils étaient, ce qu'ils faisaient et pourquoi. Oh ! Comme j'étais septique et comme certaines choses me faisaient grimacer. Mais quand on m'a fait la proposition de devenir une porteuse, même si j'ai demandé du temps pour y réfléchir, je savais déjà ce que je répondrai. Oui.

J'ai donc fini par accepter l'offre, je ne voulais pas retourner dehors, car je savais que je n'y survivrai pas. Lors de son "rituel", j'avais si peur, peur de devenir l'un de ces monstres. Mais il le fallait, je le devais. J'ai donc pris tout le courage que j'avais et j'ai embrassé cet homme mordu devant moi et pour moi du coup. Après cela, je suis restée allongée dans un lit pendant quelques jours, avec une boule à l'estomac subissant ce qui semblait être la pire grippe de ma vie. Mais mon état s'est amélioré à mon plus grand soulagement ! Je fus donc officiellement une porteuse.

J'ai mis quelques semaines à m'habituer à l'idée de ce que j'allais finir par faire, mais j'avoue que le bien être qui découlaient des privilèges de ma position, m'aidèrent à accepter la chose. Puis il faut dire que ma vie devenait agréable, j'avais le droit à des cadeaux de temps en temps de quelques hommes qui m'avaient remarqué et espéraient que leur soit destiné. Entre porteuses, on se soutient beaucoup et j'aime les sentir présentes, cela me rassure. Puis, je dois avouer que le contact des enfants me réchauffait le coeur, j'adore leur raconter des histoires le soir et m'occuper un peu d'eux. Cela me rappelle tellement que tout ceci vaut le coup et que l'humanité à une chance.