Née en 2004, Mahalia avait connu l'époque bénie d'internet, des réseaux sociaux, des jeux vidéos, des achats en ligne, de youtube... Mais tout cela était désormais fini. Elle avait grandi dans le Nord de la capitale, dans le 18ème arrondissement. Sa mère était portoricaine mais elle était désormais morte dans les bombardements de 2022. Quant à son père, Mahalia n'avait aucune idée de qui il était, sa mère était partie avec le secret.
La jeune fille avait toujours eu l'habitude de se débrouiller et de n'en faire qu'à sa tête, il faut dire qu'avec une mère qui cumulait deux boulots, Mahalia avait été très souvent livrée à elle même. Des fois, la nourriture manquait mais heureusement, elle avait la chance d'avoir quasiment été adopté par la famille de son meilleur ami Mehdi (désormais mort) qui la nourrissait allègrement.
Si Mahalia s'était un tant soit peu intéressée à l'école, elle y aurait sûrement excellé mais l'appel de l'aventure était trop fort, aussi, dès son entrée au collège, l'adolescente séchait régulièrement pour trainer avec ses amis, fumer de l'herbe et faire des tours de Paris en scooter.
En 2019, Mahalia soufflait ses quinzième bougie et entamait une entrée fracassante dans la petite délinquance : bagarres, vol, vente de stupéfiants et dégradation de biens publiques. Elle avait en effet pour passion de graffer sur les murs et d'égayer le béton gris et morne du 18e arrondissement.
En révolte contre le monde entier, l'adolescente avait su canaliser son énergie, grâce à son éducateur; en pratiquant la boxe française. A cette époque là, sa mère avait eu une promotion et avait pu quitter un de ses deux emplois et s'était retrouvée avec une gamine ingérable, elle avait mis Mahalia plusieurs fois à la porte. Et comme toujours, elle avait trouvé refuge chez Mehdi, son ami de toujours.
2020 pointa le bout de son né et on retrouvait souvent la jeune femme en train de faire la fête dans des squats, des boîte de nuits ou dans des teufs. Cette initiation à la vie nocturne avait engendré une légère addiction pour les drogues récréatives mais aussi une ouverture d'esprit et une liberté sans fin. Alors le monde cessait de tourné jusqu'au petit matin puis vous retrouver la jeune fille éméché, sur la banquette d'un uber, avec un de ses ami drag queen qui lui tendait un sac pour vomir.

Pendant l'été 2020, et sans savoir que ce serait le dernier qu'elles apprécieraient, la mère de Mahalia l'avait emmené pour la première fois de sa vie au Porto Rico, à San Juan exactement, où elle avait pu rencontrer sa famille.
Les couleurs, les odeurs, les paysages et les gens... Mahalia s'était instantanément sentie chez elle, elle qui n'avait jamais quitter la capitale, jamais vu la mère et jamais prit l'avion. Cette été là avait été paisible, comme le calme avant la tempête.
L'année d'après, Mahalia était supposée passer son bac, élève médiocre, elle s'imaginait l'avoir de justesse puis enfin pouvoir suivre la formation de ses rêves : peintre muraliste. Sa mère faisait des économies pour lui payer l'école, en échange, Mahalia lui avait promis d'arrêter ses bêtises

Janvier 2021, on annonça aux infos du soir qu'une femme s'était transformée en une espèce de zombie. La jeune fille avait pensé à un canular et avait éteint la télé en ricanant puis avait directement envoyé un SMS à Mehdi pour lui dire que tout cela était absurde. Mais elle resta sans réponses de son ami.
Quelque jours plus tard il lui envoya ce qui serait son dernier message, où il expliquait à son amie d'enfance que son père avait succombé à ce mystérieux virus et que lui et sa famille étaient en route pour l'Algérie afin d'être en sécurité.Parfois Mahalia se demandait s'ils n'avaient jamais atteint leur destination puis elle se mettait à imaginer son ami dans les rues d'Oran, heureux et sauf.

L'épidémie prit rapidement de l'ampleur, c'était l'hystérie totale dans le pays entier. La mère de Mahalia voulait fuir à Porto Rico mais il était quasiment impossible de quitter la France, il n'y avait pas d'issues possibles. Alors pendant quelques mois elles vivèrent quasiment cloîtrées. La mère de Mahalia perdue la vie dans leur petit appartement de Barbès tandis que la jeune fille, alors âgée de 18 ans, était partie en quête de provisions.
Il n'y avait jamais eu de baccalauréat, de formation de peintre muraliste ni d'autres voyages à Porto Rico.

Seule, sans aucuns repères, elle avait trouvée refuge dans la drogue, habituée de l'underground, elle échappait à la réalité en voguant dans des songes plus heureux. Un jour, errant, elle tomba nez à nez avec un chien abandonné. Un labrador noir, sale, avec une oreille à moitié arrachée et une pâte blessée. Le chien tenta de s'enfuir mais trop affaibli, il s'effondra.
La jeune fille, peu emphatique, s'était prit d'affection pour la bête, dont elle s'occupa comme elle pouvait. Elle l'avait nommé Spike, en hommage à son scénariste favori. L'animal et l'humaine ne se quittait plus depuis.

Rarement en contact avec d'autre survivants; Mahalia avait eu vent d'un clan nommé la meute, qui s'était installé dans une usine désaffectée. Après quelques fausses pistes et des jours de recherches, les deux compagnons avaient finalement localisé le lieu. Le voyage avait prit trois jours au lieu de quelques heures, car très prudente, Mahalia ne voulait pas rester à découvert trop longtemps.

Depuis plus d'un an, Mahalia était une Gamma, une personne lambda, et cela ne lui plaisait pas. Il fallait qu'elle remédie à cela.
Mais jamais elle n'avait regretté le choix de ce clan, car malgré le capharnaüm ambiant, elle se sentait protégée et acceptée comme elle est.