L'insociable et l'isolée [Rosemary & Gabriel]

Un long soupir s'échappa de sa gorge. Son doigt caressait l'espace entre son ruban rouge et son cou, comme à chaque fois qu'elle se perdait dans ses pensées. Par la fenêtre de son dortoir, Rosemary pouvait voir le clan entier s'agiter et se préoccuper de leur tâche. Pour sa part, la jeune fille n'en avait pas réellement... encore.
Elle passait son temps à se promener dans le bâtiment, ou en tout cas dans les zones où elle avait le droit, et à observer les gens qui travaillaient. Aucun d'eux ne voulaient de son aide et pour cause : ils avaient peur des réprimandes. De plus, Rosemary avait toujours été une intellectuelle et pas quelqu'un de douée de ses mains.
Si les fidèles du clan n'avaient rien à redire sur la position de Rosemary ainsi que du reste des mères et leurs occupations presque inexistantes, les esclaves qui n'avaient pas juré fidélité la regardait avec du mépris et une once d'envie.
Si officiellement les mères porteuses devaient s'occuper de tout les enfants sans distinctions, c'était en général leur mère biologique qui en prenait la responsabilité, si bien que la jeune femme n'avait pas de tâche à accomplir. Elle n'avait pas non plus réussi à s'intégrer très bien, un climat de rivalité s'installant entre chaque mère.
Elle souffla un rire par le nez. Rose avait l'impression d'être retourné du temps des sultans avec leur harem et les concubines qui les suivaient. A la seule différence que l'Eugéniste ne se reproduisait pas avec les mères.
Revenant sur terre, Rosemary secoua doucement la tête, faisant onduler sa lourde chevelure brune. Elle caressa une dernière fois son ruban rouge qui lui accordait autant de privilège et se détacha de la fenêtre. Fini de rêvasser en attendant qu'elle ait un enfant pour s'occuper ! Elle trouverait bien au moins un ami à qui se confier ici... Elle retint un sanglot, Yseult lui manquait tant.
Elle soupira et lissa sa robe blanche. Sans manche, elle ne lui offrait pas beaucoup de protection contre le froid mordant de l'hiver parisien, mais le châle en laine rose pale qu'elle avait réussi à obtenir lui apportait suffisamment de chaleur. Elle attacha ses cheveux en une queue de cheval basse et s'aventura dans les couloirs.
Pour la plupart, ils étaient désert. En ce début d'après midi, toutes les castes vaquaient à leurs occupations. Seuls les guerriers qui n'avaient pas de mission attribué et qui ne s’entraînait pas étaient à l'intérieur. Rosemary réprima un frisson... et dire que l'un deux sera peut être son partenaire le temps qu'elle enfante. A chaque fois qu'elle en croisait un, elle ne pouvait s'empêcher de voir la scène se dérouler dans sa tête.
Serait-ce cet homme là, le brun avec les mêmes yeux gris qu'elle ? Ou peut être le blond aux yeux bleu là bas ? Elle couvrit sa bouche de sa main, retenant un petit cri choqué. Non vraiment, l'idée de copuler avec quelqu'un qu'elle n'aimait pas la terrorisait vraiment... et dire qu'elle était encore vierge.
Un frisson lui parcouru l'échine et elle s'arrêta de marcher. Debout devant une fenêtre, le regard dans le vide, le guerrier le moins sociable du clan observait, comme elle un peu plus tôt, l'extérieur de la bâtisse.
Sans qu'elle ne s'en rende compte, des personnes se retournaient sur leur passage pour admirer les formes de la jeune fille. Serrant son châle un peu plus contre elle, elle se dirigea vers l'homme qu'elle avait croisé déjà plusieurs fois, toujours occupé à faire la même chose : regarder dehors.

" - Il se passe quelque chose d'intéressant ? "

Il la dépassait d'une bonne tête, si bien qu'elle devait lever le visage pour pouvoir le regarder. Elle lui adressa un sourire timide, ne sachant pas trop quoi dire d'autre pour engager la conversation. Mais elle s'ennuyait tellement... peut être que le seul qui ne cherchait pas à rentrer dans les convenances serait prêt à entretenir une relation amicale avec elle, au risque que de fausses rumeurs courent ?

Il y avait peu de personne qui impressionnait Rosemary. Parmi elles, l'Eugéniste bien sûr, qui n'était pas impressionné par lui ? Il y avait également son défunt père et certains professeurs, mais cela se rapprochait plus du respect que de la crainte même.
Maintenant, elle pouvait rajouter une autre personne à sa liste : le guerrier en face d'elle. Ses yeux bleus était de couleur aussi glacial que les éclairs qu'ils semblaient lancés.
Incapable de supporter l'intensité de son regard, Rose détourna le sien vers l'extérieur, observant l'entrainement en question. La respiration des recrues dégageaient des petits nuages de buée, preuve de la faible température extérieur. Alignés en rang d'oignon, un formateur leur hurlait des ordres. Toutes les recrues gardaient la tête baissé, peur de s'attiré les foudres de leur enseignant. Certaines recrues avaient été des enfants que Rose avait vu grandir en partie. Des enfants provenant du clan... des mères porteuses dont elle faisait partie.
Elle imaginait son enfant à elle et à un inconnu qui ne s'intéressera qu'à passer une nuit avec elle dans le but de l'engrosser partir au combat dans un froid glacial. Elle ne savait pas trop quoi désirer pour cet enfant, qu'il finisse comme soldat pour les élitistes ou que, si c'était une fille, elle vive les mêmes épreuves qu'elle.
En imaginant sa petite fille futur mère porteuse, Rosemary pâli à vu d’œil. Elle glissa une mèche de cheveux qui s'était échappé de son élastique derrière l'oreille. Elle afficha un sourire légèrement forcé, du mieux qu'elle pouvait, pour cacher son trouble. Malheureusement, elle n'était pas très douée pour cela et un œil habitué remarquerait sans difficulté qu'elle se force.

" - Vous allez chercher d'autres... mh... esclaves ? Ou est-ce des vivres cette fois ci ? "

Difficile de dissimuler son désaccord par rapport aux esclaves et au traitement réservé à ceux qui refusaient de se faire tester. Cependant, elle préférait fermer les yeux et faire comme si tout allait bien. Le temps finirait par arranger les choses... probablement.
Elle releva les yeux vers son interlocuteur, souriant réellement cette fois ci, creusant des fossettes dans ses joues. Plus que tout, Rosemary ne voulait pas s'étendre sur des sujets fâcheux qui pourrait révéler qu'elle n'était pas toujours d'accord avec les décisions du clan.

" - J'ai oublié de me présenter... Je m'appelle Rosemary. Je suis une... enfin vous devez le savoir déjà. "

Elle rigola doucement en tapottant son ruban rouge, noué autour de son cou, du bout du doigt. Le signe distinctif des mères porteuses, alors que tout les autres devaient se faire marquer au fer rouge. Aucune marque sur sa peau était autorisé, ce serait trop de gâchis.

" - Cela vous embête si je reste avec vous quelques temps ? Je... On ne me donne pas beaucoup de travail et... je m'ennuie un peu... "

La jeune femme détourna le regard qui se reporta sur les recrues à l'entrainement. Ils étaient passés aux exercices physique. Rien qu'à les regarder, Rosemary grelottait de froid. Elle frissonna légèrement et serra un peu plus son châle contre elle.

Elle s'assit sur la chaise qu'il lui avait gentiment tiré. La main de Roche, posé sur le dossier était recouverte de bandage. Les sourcils froncés, elle n'osa pas spécialement demander d'où venait cette blessure, d'autant plus que ce serait une question stupide. Elle provient probablement d'une mission ou d'un entraînement.
Rapidement, Rosemary remarqua que Roche était quelqu'un qui fumait... beaucoup. Énormément même. Elle fronça légèrement le nez à l'odeur de la cigarette, mais n'eut pas l'impolitesse de lui demander de l'éteindre. Aussi longtemps qu'elle s'en souvienne, elle n'avait jamais aimé l'odeur du tabac.
Elle sursauta légèrement à la mention des esclaves. Se raclant la gorge, elle réflechissait à comment tourner ça de façon à ce qu'on ne croit pas qu'elle soit infidèle aux principes du clan.

" - Disons que... je ne suis pas spécialement d'accord avec leur appellation déjà. C'est tellement dégradant de les nommer de cette façon... l'esclavage a été aboli il y a fort longtemps, ce n'est pas parce que le monde s'écroule qu'il faut revenir à des principes archaïques. "

Aussitôt sa petite tirade prononcé, elle baissa le regard vers ses mains posés sur ses genoux. Les joues légèrement rosées par la honte, elle se mordit la lèvre. Elle n'aurait pas du dire ça comme ça... surtout à quelqu'un qu'elle connaissait à peine. Il pouvait aller voir l'Eugéniste et lui rapportait le tout et elle serait bonne pour une réprimande. Sa voix se fit plus hésitante et se rapprocha plus du murmure qu'autre chose.

" - Enfin... je ne dis ça pour m'opposer au chef des lieux... c'est juste mon côté humaniste qui ressors. "

Quand Roche mentionna sa beauté, elle redressa la tête et le fixa dans les yeux, tenant le contact cette fois ci. Un éclair de tristesse la traversa et l'espace d'une seconde, elle sembla être sur le point d'éclater en sanglot.

" - Ma soeur était au moins aussi belle que moi. Plus encore si elle n'avait pas cette cicatrice... Nous avons été séparé quand j'ai... j'ai rejoins le clan.
J'espère qu'elle va bien."

Elle haussa légèrement les épaules et joua avec le bout de son châle, baissant à nouveau les yeux. Son attitude humble ne se retrouvait d'ordinaire pas chez les personnes qui bénéficiait d'un physique aussi avantageux que le sien. Probablement l'avait-elle forgé suite à l'accident qui défigura sa soeur, ou alors le visage de celle ci lui rappelant constamment à quel point elle était chanceuse.

" - Quoi qu'il en soit, merci du compliment. J'espère que mon premier... compagnon le sera tout autant."

Elle soupira, soulagée. Finalement, s'il devait la dénoncer, elle en aurait autant sur lui que lui sur elle. Cela l'encouragea à être un peu plus honnête avec lui. Jouant avec une mèche de cheveux elle haussa légèrement les épaules.

" - Je ne pense pas que l'Eugéniste soit cruel. Il faut voir comment c'est à l'extérieur pour comprendre. Certaines doivent se prostituer pour un peu de monnaie, histoire d'avoir de quoi manger. Ils dorment dans des draps sales, quand ils en ont... je ne m'estime pas si malheureuse que ça. Bien sûr, pour la sécurité d'une communauté, il vaut mieux prendre le moins de risque possible et donc privilégié les immunisés... C'est malheureux mais réaliste. "

Réellement, Rosemary trouvait ça triste. Mais existait-il vraiment une autre solution ? Ne devraient-ils pas apprendre à vivre dans ce nouveau monde qui ne laisse que peu de place aux vivants ? Après tout, peut être était-ce simplement de la sélection naturelle et ils ne pouvaient pas y faire grand chose. Le mieux qu'ils puissent faire, c'était de s'adapter et protéger les êtres qui leurs sont chers comme ils peuvent.

" - Malheureusement pour elle, je ne suis pas si dévouée que cela.
Elle n'est jamais rentrée ici... j'ai été... recruté par les élitistes alors que nous étions en expédition elle et moi. J'ai décidé de me rendre pour la protéger. Elle avait déjà été blessée à cause de moi, je ne pouvais pas me permettre que cela se reproduise. "

Au fur et à mesure qu'elle parlait, sa gorge se serrait et sa voix se faisait plus basse. Vers la fin, elle était si silencieuse qu'on pouvait à peine l'entendre. Elle toussota légèrement, comme pour chasser la boule qui s'était formé au fond de sa gorge et soupira un bon coup avant de lisser sa robe.

" - L'âge de ma soeur ou le mien ? Peu importe au final, nous avons le même. Toutes les deux vingt-quatre ans. Nous sommes jumelles. "

Elle lui souriait alors que plusieurs évènements reliés à leurs enfances lui revenaient en mémoire. Oui, elle avait vraiment de bon souvenir avec Yseult et avait la chance d'avoir une bonne relation fraternelle. Les épreuves n'avaient fait que la renforcé.

" - Qu'avez-vous de prévu aujourd'hui ? Vous devez partir dehors ?
Comment est-ce maintenant d'ailleurs ? Cela fait si longtemps que je ne suis pas sortie... "

Le regarde de Rosemary se pose de nouveau sur la main de Roche. Elle hausse un sourcil et vient passer doucement ses doigts sur le bandage sans demander l'autorisation, trop plongée dans ses pensées pour ça.

" - Vous êtes allés voir les soigneur pour cela ? Vous pouvez être immunisé au virus qui transforme en... monstre que vous êtes également immunisé aux infections. "

Elle retire sa main et se mordille la lèvre, embarrassée. Si c'était rare pour elle d'agir avant de réfléchir, Rosemary ne pouvait pas s'empêcher de passer à l'action quand quelqu'un était blessé. Si les personnes autour d'elle peuvent ne pas souffrir, elle fera son maximum pour que ce soit le cas.

" - Je suis désolée... Je n'aurai pas dû. Mais vous devriez vraiment voir un médecin, vous savez ? Cela peut finir en amputation et je doute que vous pouviez retourner en extérieur après ça. "

Elle tenta de se représenter la scène. Quand elle était encore dehors, cela faisait un an que la fin du monde avait débuté. Suffisamment de temps pour que ses parents soient victimes des événements. Les gouvernements étaient déjà tombés, mais les survivants étaient loin d'être aussi structurés que cela semblait être actuellement.

" - Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de sortir mais des fois...
Je sais pas, j'aimerais juste que tout redevienne comme avant. Mes seules inquiétudes étaient de savoir si je serai accepté à l'université ou quand est-ce que je trouverais l'homme de ma vie. Oh... je suis désolée je dois paraître égoïste. Tout le monde a tout perdu et alors que, moi, je suis à l'abri et protégée, je continue de me plaindre... "

Elle rigola doucement. Lui aussi semblait l'idée de mère porteuse bien étrange. Beaucoup du clan s'y étaient déjà fait. Certains y trouvaient même leur compte. Les meilleurs soldats avaient une chance de... passer à l'acte avec des femmes toutes aussi magnifiques les unes que les autres, alors qu'ils n'auraient peut être jamais eu cette chance avant. Les femmes, elles, n'avaient pas vraiment le choix. Mais c'était la première fois que Rosemary voyait aussi les hommes en tant que victime également.

" - Ne vous inquiétez pas... l'Eugéniste ou la Dame se chargeront de la désigné pour vous... Ce n'est pas comme si vous deviez la choisir vous même.
Il paraît que certaines ont même... l'honneur d'avoir notre chef en tant que partenaire... "

Elle baissa la tête, alors que chaque mot lui écorchait un peu plus la gorge. Elle détestait mentir, et le fait que ce soit un honneur de servir d'usine à bébé pour l'Eugéniste ne lui plaisait pas plus que d'avoir un inconnu dans son lit.

Elle examina la trace de morsure. Effectivement elle semblait récente et elle méritait quelques points de sutures. Rosemary sourit, sa soeur aurait pu le faire sans problème. À partir du moment où cette dernière avait trouvé son objectif dans la vie, vivre avec elle était devenue beaucoup plus facile.

" - Si vous avez le temps, passez voir au moins un médecin pour qu'il confirme que vous ne risquiez rien. "

Rose repensa à ses livres d'histoires. Les deux guerres mondiales avaient été des conflit affreux aussi, avec son lot de victime et de meurtre. Mais à la fin, le monde s'était améliorer.

" - L'humanité s'est relevée de catastrophe affreuse... jamais aussi horrible que celles ci, certes. Mais je pense qu'ils pourront... peut être que nous pourrions en tirer partie... je me demande si quelque part, nous ne l'avons pas mérité... "

Des images de catastrophes naturelles s'insinuait dans son esprit. Que ce soit divin, ou juste la force des choses, tout le monde était dans le même bateau... pour le meilleur et pour le pire.
Elle leva la tête, suivant le mouvement de doigt de Roche. Rosemary lui adressa un sourire timide alors qu'elle détournait le regard.

" - Entre ma survie et obéir à quelques ordres, aussi agréable qu'ils soient, je préfère obéir et vivre profil bas... jusqu'à ce que l'humanité ne meurt ou que les monstres soient exterminés. "

Elle haussa les épaules en un sourire. Rosemary le fixa droit dans les yeux. En prenant une grande inspiration, elle déclara sa phrase le plus rapidement qui lui était donné.

" - Si je devais être mise à... disposition d'un guerrier, j'aimerais que ce soit quelqu'un qui pense comme vous. Je ne voudrais pas qu'il croit que je lui fais honneur ou que j'aime ce qu'il se passe... "

Rosemary pensait que ce n'était pas possible d'être plus défaitiste qu'elle, mais plus elle parlait à ROche, plus elle se rendait compte à quel point elle se trompait. Il n'y avait plus une once d'espoir en lui. Même si cela la rendait triste, elle ne voulait pas spécialement savoir ce qu'il lui était arrivé pour qu'il ne croit plus en rien.

" - Dans ce cas nous devrons nous adapter aux conditions de vie...
particulière que cette situation nous impose. Ce sera plus facile pour certains que pour d'autres. Beaucoup de guerrier trouve leur compte dans cette situation... ils peuvent assouvir leur soif de violence. "

Alors qu'elle s'apprêtait à répondre que, si certains trouvaient leur compte dans la violence, elle n'avait aucun mal à vivre dans une cage dorée, un groupe de guerrier passa derrière elle et ne se retinrent pas quelques remarques désobligeantes, tournant autour du fait que cette mère-ci, parlant de Rosemary, avait visiblement trouver quelqu'un pour l'engrosser.
Elle ne savait pas ce qui les motivait à faire ce genre de commentaires, peut être était-ce de la jalousie, parce qu'elle ne leur accordait pas son attention alors qu'elle l'offrait à Roche. Peut-être était-ce tout simplement par pure méchanceté. Quoi qu'il en soit, un sanglot s'échappa de sa gorge alors qu'elle se levait pour partir.

" - Je suis désolée, je n'aurai pas dû venir vous parler. Je n'ai fait qu'attirer l'attention sur vous... cela ne se reproduira pas, veuillez me pardonner. "

Elle inclina légèrement la tête, évitant soigneusement le regard de Roche ainsi que du groupe de soldat qui voulait probablement s'amuser de sa réaction. Des larmes roulaient déjà sur ses joues, à mi chemin entre honte et colère. Deux émotions qui ne lui était que trop familière ces derniers temps.

Rosemary retint sa respiration. C'était la première fois qu'elle voyait Roche sourire. Ou avoir une expression tout court. Celle qu'il affichait, qui se voulait rassurante pour la jeune femme se transforma vite en expression inquiétante pour le groupe de guerriers.

" - Roche, n'y prêtez pas attention s'il vous plait... cela ne fera qu'alimenter des rumeurs infondées. "

Elle posa délicatement sa main sur son bras et lui sourit tristement. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait. Même parmi les mères, Rosemary n'était pas parvenu à s'intégrer... et sa beauté juvénile la rendait presque inaccessible aux autres. Elle s'était habituée à passer son temps seule.
Néanmoins, le groupe de soldat se confondait en excuse. Visiblement, Rose n'était pas la seule à être connue dans son domaine.

" - Cela ne les empêchera pas de parler derrière mon dos vous savez ? Certains même ne se privent pas de me le dire en face quand je suis seule... "

Elle s'était toujours répétée que c'est parce qu'ils n'étaient pas très mature. Ils cherchaient à capter son attention en l'embêtant. Puis certains le faisaient surtout car ils savaient qu'ils ne seraient jamais sélectionnés pour être son partenaire.  

" - En vérité en me défendant... vous rendez les choses un peu plus difficile pour moi. Même si cela me fait plaisir... vous ne serez pas toujours près de moi pour exiger des excuses. "

Elle lui sourit, les mains posées sur ses cuisses, un visage serein. Si elle avait été choquée de la véhémence des propos du groupe, elle s'était vite reprise et avait rétabli son masque de noblesse.

Roche lui semblait être le type d'homme capable d'assumer et de continuer sa vie en ignorant royalement ce que les autres disaient de lui. Cependant, Rosemary n'était pas aussi courageuse. Elle savait que beaucoup de personne lui cassait du sucre sur le dos, mais elle avait du mal à vivre avec. La jeune femme ne supportait pas tout ces regards lourds de sens.

" - Tout le monde n'a pas le courage de les ignorer. Ils n'essaient même pas de me connaître. Parce que je suis... ce que je suis, ils pensent que je ne sers qu'à ça. Et à prendre beaucoup de ressources juste parce que je suis belle. Beaucoup pensent probablement que je ne mérite pas ma place au sein du clan... c'est probablement le cas d'ailleurs... "

Si d'ordinaire Roche avait l'air intimidant, en ce moment, les bras croisés sur le dossier de la chaise, un léger sourire aux lèvres et ce léger éclat dans les yeux... il semblait avoir dix ans de moins. Elle put facilement imaginer ce qu'il avait pu être avant cet apocalypse. Toujours sagement assise sur sa chaise, ses joues prirent encore une légère teinte rosée absolument adorable.

" - Je ne pensais pas m'être apitoyée, vous m'en voyez désolé si j'ai semblé faire le contraire. Je pense que l'inquiétude que je ressens pour ma soeur,
elle le ressent encore plus car elle ne connait pas le groupe qui m'a recruté. Moi,
je sais qu'elle peut parfaitement survivre dehors et encore plus facilement sans la charge que je représentais pour elle. "

Elle rigola doucement et secoua légèrement la tête. Son rire était plus nerveux qu'autre chose. Rosemary était encore capable de faire preuve d'autodérision, c'était bon signe.

" - Je ne vois pas le mal à vivre dans les limites de mes capacités.
Ce n'est pas en battant des cils que je réussirais à charmer les monstres et de les empêcher de me dévorer, même si je suis immunisée... cela ne veut pas dire que je ne cours aucun danger. Mais dites-moi plutôt à qui je vous fais penser ? "

Elle croisa les jambes, faisant légèrement remonter sa longue robe pour des raisons de conforts. Elle s'appuya sur le dossier de sa chaise et croisa les bras sous sa poitrine, la commissure de la lèvre droite légèrement remontée. Bien sûr, elle n'attendait pas de réponse de sa part, Rosemary cherchait surtout à changer de sujet de conversation.

Elle le vit se refermer sur lui même. Au cours de la conversation, il s'était un peu plus ouvert à elle. Il l'avait défendu et même sourit. D'un coup, on aurait dit qu'elle était de retour à la case départ.

Rosemary le regarda quelques secondes avant de soupirer. Aujourd'hui, elle ne ferait pas plus de progrès que cela. Mais elle en avait déjà fait beaucoup, cela faisait quelques semaines déjà qu'elle n'avait pas parler avec quelqu'un, à part quelques banalités. Elle se releva et inclina légèrement la tête vers lui.

" - Je suis désolée de vous avoir déranger, cette fois je vous laisse tranquille. J'espère que nous nous reverrons. "

Après quelques secondes d'hésitation, elle s'éloigna. Quand Rosemary se retourna, elle vit Roche, le regard toujours fixé sur l'extérieur. Bien qu'elle ne connaissait pas très bien cet homme, quelque chose chez lui donnait envie à la jeune femme. Alors qu'elle déambulait dans les couloirs, à nouveau sans objectifs, elle rigola doucement. Finalement il avait peut être raison, elle ressentait de l'amour maternel... pour presque tout le monde.