Dur en affaire [Moses et Anton] [terminé]

Vous savez ce que j’aime ? J’aime quand je peux souffler… Ces quelques derniers mois ont été une simple folie sans nom. J’ai tiré plus de balles et botté plus de cul en une saison que durant les trois dernières années. Je dirais que le point de départ de ces évènements prend la forme d’une gamine, Teddy, une petite que j’ai trouvé dans la rue, à moitié morte de froid. Je l’ai eu sous ma protection à peine une journée, mais durant ce laps de temps, je me suis souvenu des sentiments qui m’avaient autrefois poussé à prendre des risques pour les autres. On s’est retrouvé séparé après une violente altercation avec des pillards. Pour résumer, ça s’est mal fini pour tout le monde, je me suis retrouvé par terre avec une très méchante bosse, au milieu de quelques cadavres et Teddy s’était enfui.

Je ne vous ferais pas le déballage de ma vie, mais il me semblait assez important de le souligner. Et pourquoi je vous en parle maintenant ? Car il se trouve qu’une rumeur se répand dans la citadelle, une rumeur pour le moins, perturbante… Les fils de Jean se seraient disloqués depuis peu. Une sacrée ironie que ça arrive au moment où les élitistes débarquent dans le centre villes. On échange des fanatiques qui restent dans leur coin contre des fanatiques qui veulent répandre leur idéologie. Mais ça c’est un autre débat.

Ce que je veux dire, où je veux en venir avec ces digressions. Après avoir perdu Teddy, j’ai laissé sa description à de nombreuses personnes et il se trouve que jusque récemment, ça ne donnait rien. Sauf que ! Après la dissolution des fils de jean, les moins fanatiques du lot ont migrés à la citadelle. Parmi eux, un gars sans histoire d’après les ragots, du moins, un gars pas méchant ; ce gars serait venu avec une très jeune enfant portant une écharpe rouge, comme Teddy… Je dois vous avouer que ça ne m’aide pas des masses car je n’ai ni son nom ni sa description.

J’avais mes propres aventures, plus ou moins drôle, plus ou moins violente, donc je n’avais pas pris le temps de me pencher sur la question. Mais maintenant que c’est plus calme, je compte en profiter. D’abord, trouver ce type et faire un peu connaissance avec lui. Je ne compte bien évidement pas l’agresser en mode « flingue sur la tempe et lui hurler de me rendre Teddy ». Mais par acquis de conscience, je veux voir quel genre de mec il peut être.  Je n’ai aucun droit sur la gamine, mais d’une façon ou d’une autre je me sens lié à elle.

C’était à la base le but de ma visite à la citadelle. Cependant, comme vous vous en doutez, avec moi, c’est le « à la base » qui est important. Car me voilà coincé sur la place centrale de la citadelle avec un curieux personnage qui se tient devant moi, un peu plus petit que moi, assez mince et bien dessiné. Cependant, le plus étonnant était de loin le tatouage énorme qu’il avait sur le visage. Je dois dire que c’était pour le moins remarquable et je ne pouvais pas m’empêcher de loucher dessus. Moi-même je n’en portais pas, peut-être étais-je trop lâche pour sauter le pas ? Mais pourtant j’avais toujours eu une sorte de fascination pour les gens en portant.

J'osais croire que ma tenue de baroudeur lui faisait le même effet, je venais tout juste d'arriver. J'étais équipé de pied en cape, manteau long plein de poussière, sac et armes ( sans munition certes, mais arme quand même) sur le dos et j'avais le visage à moitié dissimulé dans mon foulard.

Je regardais donc mon interlocuteur, l’air faussement indifférent, même si son tatouage revenait souvent dans le centre de mon attention. Les mains sur la ceinture, mes doigts frôlaient le couteau dissimulé dans l’épaisseur de celle-ci, « au cas où ». Téméraire nous regardait d’un air neutre lui aussi, juste à ma gauche. Un rapide coup d’œil à mon compagnon m’indiquait que cet homme n’était pas une menace. Enfin, Téméraire ne le considérait pas en tant que tel, et moi, je fais toujours attention à ce que mon ami peut penser. Cela pouvait très largement influencer ma façon de me comporter avec quelqu’un.

Avec une voix neutre et calme que je dis tout en dévoilant mon visage :

- Eh bien, que puis-je faire pour vous ? Ou que pouvez-vous faire pour moi ?

Moses repéra son pigeon alors qu'il était assis en tailleurs près de son sac. Ce dernier contenait plein de conneries récupérées à droite, à gauche. Il faisait trop chaud pour les longues sorties à travers la capitale et, choses rares, ses finances étaient en un état satisfaisant. Un immense sourit sur le visage du récupérateur alors qu'il attrapa l'objet à vendre et se releva. Vous aussi, vous sentez la connerie arriver ? Je vous explique : les oiseaux comme ça, style "je suis trop dark, j'ai le style d'un personnage de MOBA de l'ancien monde" agacent tellement Moses qu'il ne pouvait s'empêcher d'aller les vanner (quitte à s'attirer des ennuies). La journée avait été terriblement calme, le rendant nostalgique des longues après midi à surveiller le temple. Hm. Au moins, ici, il y avait des prostituées et de la drogue à portée de main.

Bref, Moses se fraya rapidement un passage jusqu'à rejoindre pigeon et se planta devant lui avec un malin sourire. Ceux qui connaissent l'énergumène savent que cette expression signifiait catastrophe imminente.

‹ Eh bien, que puis-je faire pour vous ? Ou que pouvez-vous faire pour moi ? ›

Wow. Le récupérateur sourit un peu plus. Pile comme il l'avait imaginé. TrO d4rK com ga. Nickel pour se divertir un peu. Il cachait son objet derrière son dos mais l'excitation se lisait sur sa face.

‹ Je pense que j'ai quelque chose pour toi, buddy. Juste pour compléter ton magnifique costume. ›

Ne pouvant dissimuler son amusement, l'ancien religieux sorti le trésor de sa cachette et le présenta à pigeon. Il s'agissait d'une magnifique hache, avec des runes gravés sur le manche et la lame. Le tout fait dans un plastique de qualité supérieur.

‹ Quand tu tapes des ennemies, elle fait un petit "bip bop" sublime. C'est pas tranchant, donc pas de risque de te blesser. Et vu qu'elle est faite pour toi, je te fais un prix. ›

Mort de rire, Moses lui adressa un clin d'oeil. Un brin provocateur, le bougre.

Déjà, ça commençait mal, le v’là qu’il me donnait du tutoiement le bougre. Trouvez ça con, mais j’aimais bien un semblant de politesse quand on parlait à quelqu’un pour la première fois. Je regarde sa hache sans un mot puis je regarde de nouveau le tatoué. Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais la sensation que ce mec se payait ma poire. Il faut dire que je me prends souvent très au sérieux et que ce n’est pas le cas de tout le monde. Cependant, je ne supportais pas les mecs qui me prenaient pour un con et ses remarques sur ma panoplie m’avaient agacé.

J’avais bien envi de chopper sa hache et de lui foutre profond dans le fondement. Cependant, ce ne serait pas réalisable et surtout pas en publique. Mais d’un autre côté, ça pourrait être amusant de la jouer fine et de voir jusqu’où ça pourrait aller. J’aurais tout le temps de me venger après…
Je pris donc mon air le plus affable et je répondis en forçant un peu le ton :

- Jolie hache, ce serait un allié précieux lors de mes expéditions. Dis-moi, est-elle aussi résistante qu’elle en a l’air. Combien tu en voudrais ? Si elle me va si bien, si elle est faite pour moi, tu pourrais me faire plus qu’un prix non ?

Je fis basculer mon sac et je sortis une bourse contenant les anneaux de canettes. Il en voulait à mon argent, il allait devoir le mériter ! Je la garde bien en évidence et je dis :

- Si tu veux me vider la bourse, tu vas devoir faire mieux que ça, j’aime bien ta petite hache, mais j’ai un souci avec la couleur. Ça n’irait pas avec le costume, tu crois pouvoir arranger ça?

Sur ces mots, je commence à détacher quelques capsules pour montrer ma bonne volonté d’acheter sa hache. Mais vous savez c’est quoi le pire dans tout ça ? C’est que je pourrais bien en avoir l’utilité, pas en expédition mais je suis certains que je pourrais trouver de quoi faire avec.

- Au passage ! si tu as du stock, montre-moi ! j’adorerais voir ça !

Hm. Une blague c'est drôle si l'autre rigole ou pleure. Pas si l'autre trouve drôle de faire exactement la même blague. D'habitude, les pigeons le prenaient mal, menaçaient le vendeur et repartaient en grognant, voir en vociférant des insultes. C'était ça, la partie la plus amusante. Voir le dark blessé dans son égo de petit apprentis vampire. Le voir rentrer dans son jeu le blasait juste. Cette discussion n'allait rien donner. Moses haussa les épaules en guise de réponse avant de sortir un cure dent de sa poche et de se le caler entre les dents.

‹ Tu crois quoi, que j'ai tout un sac d'armes en plastoc ? Y'a que toi qui te croit obligé de surcompenser gars, moi ça va nickel. ›

Il désigna le sac dans le dos de pigeon. C'était ridicule. Ca devait peser une tonne et c'était aussi efficace qu'une pancarte "Attaquez-moi SVP ". Sérieusement gars, on est pas dans un jeu vidéo... Il passa une de ses mains entre ses cuisses et continua.

‹ Je te proposerais bien une démonstration, mais le bébé de Morticia Addams et de John Wayne, bah ça fait pas bander grand monde. ›

Il lui adressa une moue terriiiiiblement désolée, suivit d'un petit sourire satisfait. Si le gars ne répondait pas à la provocation, le meilleur moyen était de provoquer encore plus. Ouais, Moses aimait foutre la merde et risquer de se faire frapper. Mais il savait exactement comment réagir dans ces moments-là. Ce n'était pas le premier pigeon à se pointer sur cette place et à offusquer le vendeur de son style puérile.

Il semblait maintenant clair que ce tatoué voulait juste me faire chier. Pourquoi ? Je l’ignore,  mais il voulait visiblement s’amuser à mes dépends. J’avais bien envie de lui écraser les dents, mais ça lui ferait visiblement trop plaisir. Je devais me montrer plus malin que lui. Il pouvait bien penser ce qu’il voulait de moi, mais quand on dormait dans la rue, tout pouvait être important. Ce parasite vivait au calme dans une forteresse. Il ne fallait pas que je m’énerve, enfin, il ne devait surtout pas le voir.

Je me contente donc de regarder Téméraire, peut-être que je trouverais une solution, ça m’arrivait des fois. Mais pour le coup, rien ne me venait à l’esprit, je devrais improviser mes réponses. J’affiche un léger sourire car j’avoue que sa réflexion sur John Wayne prêtait à rire.

- Tu serais surpris du nombre de gens qui vendrait ta mère pour se taper John Wayne. Bah écoute, t’as l’air un peu à la masse, tiens, prends ces quelques capsules et va trouver de quoi manger.

En disant ça, je lui lance les anneaux que j’avais dans la main au visage, le tout avec un petit sourire. Celles-ci rebondissent bruyamment contre le sol. Ça ne servait à rien de se montrer menaçant, méprisant au mieux, mais menaçant non. Je lui prends des mains le jouet qu’il voulait me vendre.

- J’ai payé pour ce truc, je trouverais bien une utilité à ce bout de plastique. Tu ne voudrais pas passer pour un arnaqueur et me refuser le droit de disposer de ce jouet ?

Ma voix s’était légèrement tendu sur la fin, mais j’affichais toujours mon sourire aimable.

Hm. Alors comme ça il sous estimait le nombre de nécrophiles ? Et bah grand bien lui faisait. Moses continuait de le regarder en souriant. Le gars l'avait mal prit : la preuve, il commençait à s'en prendre aux mamans. Ce n'était pas comme si ça touchait le petit coeur du vendeur, bien au contraire. Il n'était pas du genre à pleurée sa mère oubliée et disparue. Son rictus ne disparu pas non plus quand les anneaux se heurtèrent à sa joue et tombèrent au sol. Au contraire, il ne fit que s'agrandir. Pigeon était le meilleur de tous les pigeons dis donc !

‹ Perso je préfère me taper des gens vivants, mais chacuns ses goûts. ›

Il haussa les épaules, de plus en plus amusé par ce gars. Moses ne tentait même pas de dissimuler son malin plaisir. Au contraire, il se foutait même ouvertement de sa gueule. Pigeon se la jouait beaucoup trop, c'était vraiment hilarant. Et Mo' avait même gagné des capsules alors qu'il ne cherchait qu'à s'amuser. Deux en un. Topissime. Il désigna le jouet de l'index, fit un clin d'oeil, et poursuivit.

‹ Quant à la hache, franchement, elle a l'air de te faire trop plaisir et je n'ai pas le courage de te refuser ça. Même ma gamine n'en voulait pas de toute façon. ›

Sa phrase finit, il se pencha pour ramasser les anneaux d'un air distrait. Il s'en foutait qu'on le prenne de haut, il n'était pas complexé et n'avait pas besoin de prouver quoi que ce soit à pigeon. Mais des anneaux étaient des anneaux. Il leur trouverait bien une utilité en temps et en heure. Il pensait l'altercation fini et ne prêtait plus attention à pigeon. Ces gars là sortaient leur dernière punchline en espérant voir Moses en PLS et partaient avec le torse gonflé d’orgueil et de betîses. En attendant, pigeon pouvait toujours faire le fier : il venait d'acheter une magnifique arme pour une poignée de capsules alors qu'elle ne valait à peine qu'une. En pensant à cela, Moses se permit un petit rire sonore de satisfaction.

Finalement, j’étais tombé en plein dans son piège. Bah, après tout je n’étais pas doué pour les faux semblants et les combats de coqs. Je lui aurais bien proposé de régler ça pour de bon, mais quelqu’un avec aussi peu d’honneur. Enfin, je voyais qu’il n’y en avait pas beaucoup derrière ce tatouage. Pourrais-je lui buriner la tronche à coup de poings, là tout de suite, sans préavis ?
L’intimidation ne semblerait pas marcher sur lui, alors on repassera sur les menaces à base de couteaux et de pistolets. En publique en plus, je ne voulais pas me retrouver au deadly pour un branleur pareil. Je pris un air contrit et doucement je dis :

- Tu as gagné on dirait. Bien joué, je me suis fait avoir comme un bleu.

Ouais, je sais admettre ma défaite, avec un mec comme lui, pour gagner il faut refuser de jouer. Je laisse tomber le jouet et je me préparer à tourner les talons quand Téméraire se met à grogner sur le tatoué. Je souris :

- Ah ! on dirait qu’il ne t’aime pas…

Le reste de ma phrase est couvert par les aboiements furieux de mon chien. Il se rapproche de l’homme, lui ne semblait pas admettre ma défaite. Je me précipite mais trop tard, Téméraire bondit sur l’homme et le plaque au sol, 70 kilos de chien enragé ça peut faire mal. J’attrape le collier de mon compagnon canin, ses mâchoires claquent à quelques centimètres de la gorge de l’autre.

- Laisse tomber Téméraire.

Je regarde le tatoué, j’hésite une seconde, puis je l’aide à se relever.

- T’as l’air d’être un sale con, mais je m’en voudrais que ta gamine se retrouve orpheline, si elle existe et que t’es pas un menteur en plus d’être un emmerdeur. Comment s’appelle-telle et toi, c’est quoi ton nom ?

A peine Moses tenta de se redresser mais la bestiole de pigeon en décida autrement. Avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrive, le voila sur le dos, ses cheveux blancs éparpillés sur le beton de la station. Arf, ça fait mal cette connerie. Il allait se retrouver avec une bosse à l'arrière du crâne et une Sofia en colère qui va devoir lui appliquer de la glace. La bête fut retirée de son torse avant même que son cerveau se remette en route. Le choc l'avait quelque peu désorienter. Il attrape la main tendue et se redresse, se frottant le haut de la tête de la main gauche. Au moins, ça ne saignait pas. Il regarda Anton avec son air blasé habituel, l'air un peu contrarié par ce dernier épisode.

‹ Fais gaffe, y'a pas mal de gars par ici qui liquiderait ta bestiole pour moins que ça. Ça serait con, un beau chien comme ça. ›

Moses tendit la main pour le caresser mais voyant le chien grogner, n'insista pas. Ce n'était pas le moment de perdre plusieurs doigts, surtout pour une connerie pareille. A la place, il lissa ses vêtements (= son bermuda, vu qu'il ne portait strictement rien d'autre) et tapa la poussière qui s'y était accrochée.

‹ On va pas devenir meilleur ami juste parce que tu m'as aidé à me relever hein. Mais bon... ›

Il haussa les épaules. Il n'allait pas lui déballer sa vie, juste lui donner deux prénoms pour que pigeon soit content et parte recouler plus loin. Quant à l'insulte de menteur, la logique échappait à Moses mais il ne fit pas de commentaire. A quoi bon mentir sur l'existence d'un enfant dans un moment pareil ? Dark était parano en plus d'être un émo post-apocalyptique ? Il commençait à sérieusement cumuler. Si la carte handicapée existait encore, Moses lui aurait bien conseillé d'aller déposer un dossier.

‹ Moi, c'Moses. Elle, c'est Teddy. Mais me juge pas, s'pas moi qui ait choisi son prénom d'ours en peluche. ›

Si le récupérateur aimait l'enfant de tout son coeur, il ne pouvait pas s'empêcher de buter à chaque fois sur son prénom. Ainsi, il préférait utiliser divers surnoms affectueux pour s'adresser à l'enfant.

Ma main se crispe sur celle de Moses, puisque c’est son nom. J’intime à Téméraire de se taire d’un geste de l’autre. Autour de nous, les gens regardent la scène, fascinés par la vivacité de mon chien et probablement un peu inquiet. D’un coin de l’œil, je cherche un mur, un recoin sombre ou n’importe quoi où j’aurais pu coller ce gars contre pour m’expliquer avec lui. Vous allez vous dire que le hasard fait bien les choses ? Je suis d’accord et ça me plait bien pour le coup ! Je ne dis rien, je reste aussi calme que possible. Il ne faudrait pas m’aliéner encore plus ce gars. Si c’était bien « ma » Teddy, ce serait dommage de ne pas la voir à cause d’un connard.
Je traine Moses vers un coin un peu plus tranquille, Téméraire veille à ce qu’il ne s’enfuit pas, grognant quand il remuait trop :

- Ne te préoccupe pas de lui, il ne lui arrivera rien. Occupe-toi de ton cul plutôt.

Je repousse Moses avec fermeté, mais pas de violence :

- Teddy ? environ 5 ans, des longs cheveux noirs, une écharpe rouge ?

Je fais un signe de la main un peu en dessous de ma taille :

- Haute comme ça ? C’est bien ça ?

Je regarde le tatoué droit dans les yeux. Bien qu’il ne réponde pas ouvertement, je sens que c’est bien ça, que c’est bien ma Teddy. Ma main cherche mon pistolet, machinalement,

- Moses… tu étais chez les fils de jean ? C’est là qu’elle était tout ce temps ? Putain…

Franchement, je n’avais même plus envie de lui coller mon poing dans tronche.

- J’ai croisé Teddy à deux doigts de la mort il y a quelques temps, elle faisait une hypothermie. Je crois que sa mère était morte un peu avant. Je l’ai aidé, je voulais la ramener chez les humanistes mais on a été séparé. Je suis au moins content qu’elle ne soit pas morte.

Je recule d’un pas. Je ne pensais pas que ce type soit une bonne solution pour Teddy, surtout à vivre dans un taudis pareil. De nombreuses pensées se bousculaient dans ma tête.

- Faudrait que je la voie. J’ai besoin de voir si c’est bien elle et qu’elle est en bonne santé.

Moses se laissa traîner à l'écart. Il savait déjà que la suite va être chiante, mais il offrit à se crétin une chance. Si c'est encore un pervers qui lui propose d'acheter la gamine, il va passer un sale quart d'heure... Au final ce n'était pas ça, mais ce n'était pas mieux non plus. Moses prit tout d'un coup un air très sérieux, froid, agressif. Son ton se durcit.

‹ Tu connais la petite et alors ? Hors de question, Pigeon, que tu l'approches. Qui me dit que t'es pas un de ses gars qui l'a pourchassait ? ›

Il baisse le regard et observe le clébard qui continue de grogner. Putain, Moses avait cru être un mauvais père, ou tonton, mais ce gars ne pouvait qu'être pire. Déjà, s'il n'avait pas réussi à garder un oeil sur elle une journée entière, ça devait être une sacrée tanche.

‹ Je te dois rien gars. La prochaine fois, ne te comporte pas comme un connard. Tu espères que je te rendes un service alors même que ça pourrait revenir à exposer ma gamine à un danger potentiel ? Crève. Le seul cadeau que je vais te faire, c'est te donner de ses nouvelles : elle va bien, et elle n'est plus aussi petite que ce que tu indiques. Elle a repris du poids et se plaît dans sa nouvelle vie. Maintenant dégage. ›

Moses recula d'un pas, gardant ce gars en vu, avant de tourner les talons et s'éloigner. Ce type n'était pas clair, n'était pas net, n'était pas une bonne personne. Teddy était ce qui était le plus cher dans sa vie, ce qui lui avait redonner un sens à sa vie (oui, ça sonne niais) et il serait prêt à buter ce type et son chien si cela assurait sa sécurité. Il jeta un coup d'oeil au dessus de son épaule, voir si pigeon n'allait pas tenter un acte désespéré. Il était gonflé à bloc.

Ok, ce coup-ci je suis réellement très remonté contre Moses. Ce type ose me traiter de connard et de juger mon comportement alors que c’est lui qui est venue me chercher des emmerdes ! Je cherche au fond de ma chaussure la balle que je garde toujours pour moi, celle-ci, je ne la donne pas à ces messieurs de l’entrée. Puis je me lance à la poursuite du tatoué. Je demande à Téméraire de le pister pour moi, chose assez facile sachant qu’il avait son odeur plein le nez. Le gars n’était pas aller loin et il semblait m’attendre car ce coup-ci il me faisait face et ses yeux semblaient clairement indiquer qu’il voudrait en découdre.

Fort bien ! Moi aussi ! Cependant, je voulais avant tout lui parler. Je me plante à quelques mètres devant lui. Je charge la balle dans mon arme, le coin est relativement désert, si bien que le claquement de la culasse lui est clairement audible. Je le vise avec, impossible pour moi de le louper à cette distance :

- Tu bouges, je t’allume. L’avantage ici c’est que la justice est accommodante, au pire, pour ton meurtre, on me foutra au deadly pour un soir ou deux. Mais je n’ai pas encore envie de tuer ce qui ressemble à un père pour elle.

Je jauge Moses du regard.

- Tu peux penser ce que tu veux de moi, c’est ton droit face de crane. Cependant, je retrouverais Teddy et si elle est ici, ce sera très facile pour moi. Tu peux donc, soit jouer le jeu avec moi et dans ce cas, je m’en tiendrais à ce que j’ai dit, la revoir m’assurer qu’elle va bien et ensuite je te laisse lui inculquer le fanatisme et les tatouages ou alors, tu ne joues pas à mon jeu et tu ne seras pas là quand je la retrouverais.

Je baisse légèrement mon arme :

- Tu peux écouter mon histoire, sans arme, ni chien. Tu peux ensuite aller trouver Teddy et lui demander si c’est vrai, aussi simplement que ça. C’est vrai, on parle, mais c’est à elle qui faudrait poser la question. Non ?

Je remets la sécurité sur mon arme et je m’approche :

- Je vais te laisser partir, tu peux aller trouver Teddy, et lui dire qu’Anton, Monsieur le géant et Téméraire le loup sont vivant et qu’ils sont là et qu’on voudrait la voir.

Je rengaine mon arme :

- Je voulais juste te dire ça, j’ai sauvé la vie de Teddy et je l’ai emmené avec moi. Elle a voyagé sur le dos de Téméraire, puis nous sommes tombés sur une bande de voleur. Quatre mecs. Transmet lui juste mon message, ce n’est pas cher payé et si tu as si peur pour sa sécurité, on se rencontrer avec des témoins. Des amis à toi ou des gens de la garde, comme tu veux.

Alors qu'il entendit le déclic métalique de l'arme, le récupérateur s'arrêta et se retourna lentement. Moses souriait face à ces menaces. Bien sûr qu'il flippait également. Son coeur battait fort et ses pupilles s'agitaient, mais à part ça il le cachait vraiment bien. Merci les religieux qui t'apprennent à cacher n'importe quelle émotion. En même temps, pigeon avait visiblement pas l'air de savoir à qui il avait à faire. Qu'il ose le buter et il verra si c'est "une nuit ou deux" qu'il passera au Deadly. Quel crétin.

En attendant, Moses reste parfaitement silencieux. Il n'ouvre même pas la bouche. Il attendit patiemment. C'était son territoire ici, et il en connaissait les règles. Lorsque le canon fut baisser, il se permit de souffler un bon coup par le nez, histoire d'être toujours le plus discret possible. Sa mâchoire se desserra. Il avait tellement mit de pression que ses dents étaient douloureuses. Il n'aimait pas les armes. Putain, les crétins de l'entrée devenaient plus incompétents chaque jour.

Finalement, pigeon la ferma et Moses tourna lentement la tête. Il parcourait la place du regard jusqu'à tomber sur ce qu'il cherchait, à quelques mètres d'eux.

‹ Mia, Morgan. J'ai un gars qui est entré avec des armes et des munitions et qui viens de me menacer... ›

Il adopta une moue exagérément bougonne. Grace à la position de sa sœur et au fait que Moses vivait littéralement 24/7 sur la place, il avait tissé pas mal de liens avec les gars de la sécurité. Et ceux là ne blaguaient pas trop avec les armes à feu et les gredins osant les introduire. Alors que l'homme et la fille s'approchèrent, bien décidés à foutre cet intrus dehors, Moses en profita pour disparaître dans la foule venu acheter diverses conneries, par exemple des haches en plastique hors de prix.