Merde. Je suis dans la merde. Pourquoi ? Faisons un petit retour en arrière. Il faisait noir, et je chassais du lapin pour avoir un dîner pour ce soir. Sauf que je ne m'étais pas rendue compte que j'étais en territoire inconnu, et c'est là que les embrouilles commencent. Je pensais être dans un endroit assez camouflé pour pouvoir chasser sauf que non. La vie nous réserve bien des surprises et au pire es moments. Et pour faire simple, j'ai été faite prisonnière.
Un groupe de quatre personnes qui faisaient sûrement leur ronde, m'aient sauté dessus sans que je ne m'y attende. J'avais beau me débattre, il n'y avait rien à faire. J'ai eu droit à quelques bleus, des griffures au bras, et une belle ouverture au niveau de l'arcade. Je vous dis pas les dégâts ! Un peu plus de pouvais cracher du sang ! Ou peut être pas. Et au final, j'ai été assomée et emmenée dans une geôle. Je n'avais encore aucune idée de où j'étais, et par qui j'ai été faite prisonnière.
Et maintenant, je suis à moitié morte sur une planche en bois recouverte de tissue. Bon, y'a mieux comme confort mais on fait avec. Tout ce qu'on m'a dit à mon réveil c'était :"T'en fais pas, quelqu'un va venir s'occuper de ton cas" en espérant m'intimider. Raté. Parfois, quelques mots peuvent suffire pour régler une histoire, enfin.. J'espère que ça marchera dans ce cas là. Ah oui, inutile de préciser qu'on m'a enlevé toutes mes armes, allant de mon arc bien visible au couteau le mieux caché. Ils ont dû bien fouiller les veinards. J'avais mes vêtements complètement froissés !
Bref, je suis donc allongée, je regarde le plafond tout crasseux dans une geôle qui l'est tout autant, attendant qu'on s'occupe de moi tout en touchant la plaie encore ouverte mais sèche que j'avais sur l'arcade ainsi que les quelques griffures que j'avais au bras. Ils sont vraiment pas délicats envers les jeunes filles.
- Ok ok alors d’après les gars on a fait une moisson fructueuse ces derniers jours. 3 nouveaux prisonniers cette nuit, ils nous les ont foutus en cellules 2, 3 et 5. Deux mecs, une fille. L’un d’eux s’est déjà pissé dessus, je crois. Il avait que dalle sur lui. Peut-être un Humaniste. Les deux autres, ils savaient pas trop. La fille avait pas grand chose, mais ça valait le détour. Sûrement une Elitiste, ou alors quelqu’un qui se la joue solo. L’autre mec doit pas être du coin, je sais pas ce qu’il fout ici. Gros sac à dos, sac de couchage, de quoi se faire à bouffer, tout le bordel. Je doute qu’il ait un groupe, ou alors il les a perdus de vue. Enfin.. Comment on la joue ?
Daniel et Faïza avançaient vers ce qui autrefois servait de quai de chargement de l’Usine, l’endroit le plus tranquille du grand bâtiment où les livraisons se faisaient, désormais reconverti en geôles pour les prisonniers. L’espagnol avait lu la petite note qu’on lui avait transmise en l’absence de Faïza, la veille. Il était son second dans ces cas là. La Bêta huma l’air, machette dans son fourreau, ainsi qu’une sorte de caisse à outils dans la main, elle contenait diverses choses dont elle se servait pour ses “ interrogatoires “ musclés. Imperturbable, elle ne regarda même pas son interlocuteur pour lui répondre.
- Comme d’habitude, moi les pairs et toi les impairs. Tu as de la chance. dit-elle.
Daniel marqua une pause, elle pouvait sentir son regard froid se poser sur elle. Il n’était pas inquiet, seulement concerné. L’imposant second prit une longue inspiration avant de soupirer.
- Tu as la fille. Juste. Pas d’excès, ok ? Preguntas antes de matar.
- Rappelle moi lequel de nous deux est le Bêta, Daniel ? rétorqua simplement Faïza.
L’homme ne répondit rien. Il savait qu’elle avait raison, mais d’un autre côté, elle savait que ce qu’il disait était vrai. Récemment, ses interrogatoires n’étaient rien d’autre que des boucheries sans précédent. La première cellule occupée était la seconde, Daniel continua plus loin pour se préparer, l’homme ôtait son ample manteau noir, remontant presque délicatement les manches de sa chemise très proche de son corps musclé. Faisant ensuite craquer les articulations de ses doigts, il poussa la porte rudimentaire faite de tôles soudées pour pénétrer la cellule. Il n’avait besoin que de ses poings pour se faire comprendre, Daniel. Faïza, elle, ferma les yeux devant la porte, cherchant au fond d’elle la force de ne pas céder à la facilité de la violence. Une minute ou deux plus tard, elle poussa la porte toute aussi austère que celles des autres cellules. A peine un mètre devant elle, dans l’obscurité de la cellule numéro deux, la fameuse jeune fille récupérée durant la nuit.
L’algérienne entrouvrit la bouche pour parler mais fut soudainement frappée de stupeur. Le visage, bien qu’amoché, qui se présentait à elle lui était très familier. La dernière fois qu’elle l’avait vue, c’était lors de cette fichue tempête qui avait presque inondé l’Usine alors que la Bêta était absente. Aujourd’hui, leur rencontre se faisait une nouvelle fois par hasard, et dans des conditions encore pires que la fois précédente.
Faïza bouillonnait de rage à l’intérieur d’elle-même. N’avait-elle pourtant pas été bien claire ? Petite jeune fille aux cheveux bleus, arc, ne pas s’en prendre à elle ? Sous aucun prétexte ? Furieuse, elle s’approcha de la solitaire qu’elle connaissait bien et déposa la boîte métallique au sol, elle ne s’en servirait certainement pas aujourd’hui, surtout pas sur Alyce. Au lieu de ça, l’algérienne s’enquit de s’assurer de l’état de la jeune fille.
- Je suis sincèrement et profondément.. Navrée. Quelqu’un ici n’a clairement pas écouté mes directives.. Hmpf.. Tu souffres ? Je suppose que oui, les loups sont rarement tendres. Hrrm.. J’enrage. Ne t’en fais pas, je vais régler cette histoire plus tard, pour le moment je vais m’occuper de.. Tu dois être déshydratée, et affamée. Bon sang. Tiens le coup une minute de plus, je vais chercher de quoi te faire aller mieux.
Tout en parlant, Faïza avait écarté une mèche de cheveux de Alyce pour constater cette vilaine plaie sur son visage. Rien de très grave, c’était un endroit qui avait tendance à saigner beaucoup pour pas grand chose, un bon moyen d’intimider quelqu’un qui n’en était d’ailleurs pas au courant. En sortant de la cellule, Faïza partit à toute hâte chercher un peu d’eau et du matériel de premiers soins, oh elle trouverait qui était de garde cette nuit et qui avait donc outrepassé ses directives. Elle revint vers Alyce moins de cinq minutes plus tard, haletant à peine. De nouveau accroupie auprès d’elle, Faïza l’aida à se remettre en position assise, faisant attention à ne pas brusquer la jeune fille.
- Tiens, bois un peu. Pas trop vite, attention.
L’expression sur son visage était mi énervée, mi tendre. Un drôle de mélange.
J'avais attendu presque une heure avant que ma geôle de ne s'ouvre. J'avais les bras croisés sous la tête, au départ ça faisait un peu mal mais je m'y suis vite fait. Puis la porte s'est enfin ouverte. Mon heure était venue ? Je pensais pouvoir survivre encore quelques années… J'apperçois une silhouette à contre jour, plutôt grande. Je me suis donc redressée un peu et puis j'ai entendu une voix que je connaissais bien. Je l'avas déjà croisé deux fois. Mais si elle est là et moi dans une geôle…. Oh...
"- Faï- Aïe… Faïza.. Sacrée surprise de te voir ici. Oh... J'imagine que je suis dans l'Usine de la Meute…" Au moment où je m'étais redressée, j'ai eu une crampe au abdos. Je doit avoir un bleu là aussi. Et ça va être long pour que ça passe…
Je la vois ensuite se diriger vers moi tout en posant un une boîte en métal au sol. C'est quoi ça ? Une boîte de torture ? Une boîte magique ? En tout cas, elle est complètement en rogne. Elle s'inquiète ensuite pour moi, pour mon appétit et pour ma soif. Oh, et elle s'occupera de ceux qui lui ont désobéhit ? Pas la peine d'en arriver à ce point, c'est sûrement un malentendu ou quelque chose du genre.
J'ai à peine ouvert la bouche pour lui faire une breve explication mais elle était déjà partie. Je me gratte la nuque lorsqu'elle est partie. C'est bien la prenière fois qu'on s'inquiète pour moi comme ça. Ce n'est pas à plaindre mais c'est surprenant, surtout venant de Faïza. Je la pensais plus sans pitié, peut importe de qui il s'agit. Enfin… C'est aussi ce que j'avais pensé lorsqu'elle m'a aidé pendant le petit combat de la Citadelle pendant cette affreuse tempête. Elle revient ensuite avec un kit de premiers soins et un verre d'eau.
"- Oh euh.. Merci." Lui dis-je avec un léger sourire et je finis par prendre une gorgée du verre d'eau doucement comment elle me l'a conseillé, après m'être redressée et assise en tailleur.
"- Hum… Ne te fais pas de mauvaises idées, je n'ai rien volé ou rien fait de mal pour attérir ici. Je me faisait que chasser mon dîner ! Et je ne m'étais pas rendu compte que j'étais en territoire inconnu… Et ce serait normal de défendre son territoire.. Je suis sûre que c'est un malentendu !"
Encore heureuse d'être tombée sur elle ! Qui sait ce qu'il se serait passé si jamais ce n'était pas Faïza qui devait s'occuper de mon cas. Mais d'ailleurs… Va-t-elle le faire ? Quoi que, je ne sais pas vraiment ce que veut dire "S'occuper de quelqu'un" ici. Moi qui pensais que je n'aurais pas à avoir de problème avec les Loups… Mais je reste sur l'hypothèse que c'est un malentendu, il faisait noir, on ne voyait rien et je chassais avec la capuche sur la tête, tout de quoi paraître suspect !
Au moins elle ne s’était pas ruée sur le verre d’eau comme une folle, cela voulait bien dire qu’elle n’allait pas si mal que ça, que sa situation n’était pas trop critique. C’était une bonne chose. Faïza la regardait et l’écoutait parler, après la nuit qu’elle venait de passer, Alyce semblait fatiguée. C’était généralement le but de ces couchettes en bois, empêcher les prisonniers de dormir correctement, mais il n’était pas prévu que ces couchettes accueilles des gens que la Bêta avait mis sous sa protection. Alors que Alyce expliquait comment les choses s’étaient justement déroulées durant la nuit, avant qu’elle ne se fasse capturer. En tout cas, c’était effectivement un malentendu mais Faïza ne voulait pas passer l’éponge comme cela, les auteurs de cette erreur devaient au moins savoir qu’ils en avaient commis une. L’algérienne secoua légèrement la tête négativement, excédée, elle se redressa. et sortit à moitié de la cellule, elle prit une longue inspiration.
- DAAANIEEEEL. TU VIENS TOUT DE SUITE C’EST UN ORDRE. scanda-t-elle de sa voix puissante et de son ton tranchant grâce auquel elle parvenait à maintenir bon nombre de loups en respect face à elle.
Il ne fallut que quelques secondes à l’homme pour, lui aussi, sortir sa tête de la cellule quelques mètres plus loin, au mur opposé. Le regard dur, mais interrogateur. Faïza lui fit signe de venir et il s'exécuta, refermant la porte de la cellule et la bloquant à l’aide d’une barre de fer. Ses poings étaient légèrement tâchés de sang et il les essuyait calmement d’un chiffon qu’il sortit de sa poche.
- Que quieres mujer ? lui demanda-t-il.
La Bêta s’écarta légèrement de la porte et désigna Alyce du doigt. Avant qu’elle ne puisse dire que que ce soit, il enchaîna.
- Quand je disais d’être moins radicale je ne voulais pas non plus dire de leur offrir à boire, ça ne te ress..
- Ferme là, imbécile. Cette fille, vous ne vous souvenez pas ce que j’ai dis, au sujet d’une jeune fille aux cheveux bleus, je suis sûre que vous avez trouvé un arc avec elle ? Qui était de patrouille hier ? Je veux que tu me les amènes. Tout de suite.
Son intonation glaciale avait suffit à faire perdre à Valera son envie de lancer des piques à la Bêta. Il hocha la tête à l’affirmative, il allait les lui trouver le plus vite possible et elle le savait. Daniel était un homme très loyal, surtout envers elle. Il savait qu’une erreur méritait punition.
- Fais les me retrouver vers mes quartiers. ajouta-t-elle à l’attention de Daniel, se retournant juste après vers Alyce, Tu peux marcher ? Je ne vais pas te laisser moisir ici plus longtemps, ne me dis pas que je vais avoir à te porter ?
Cette dernière question fut posée sur un ton plus interrogateur que de reproche, mais elle était tellement petite comparé à Faïza qu’il lui serait impossible de l’aider à marcher en la soutenant juste d’un bras au dessus de l’épaule, ou alors il lui faudrait presque avancer accroupie.. Malgré tout, Faïza tendit quand-même la main vers Alyce. Elle ne voulait surtout pas laisser son état empirer en restant ici. Dans cet endroit plutôt insalubre..
Après avoir terminé de raconter ma mésaventure d'hier soir, Faïza s'était levée pour aller hurler le nom d'une personne qui ne sembler pas très loin et qui vint quelques secondes après. Une fois devant l'entrée, j'étais surprise. Il était plutôt imposant et parlait en espagnol d'abord avant d'utiliser notre langue ensuite. Il semblait surprit d'ailleurs de voir comment Faïza me traitait. Tiens ? Je devais subir un supplice ou quelque chose du genre ? Puis j'ai suivi le reste de la conversation. Faïza demande ensuite à faire venir les personnes qui se sont occupées de la surveillance hier. Je crains le pire pour elles...Bon, d'un côté leur sort ne me regarde pas mais bon.
Une fois le grand homme parti, Faïza s'adresse à moi pour savoir si je peux marcher. Et comme moi-même je ne le sais pas, je tente de me lever. Je m'appuie sur ma jambe droite, aucun problème à part une faible douleur au niveau de la cuisse, sûrement un bleu. Puis je tente avec la deuxième jambe et là, c'est l'échec. J'ai ressenti une immense douleur au niveau de la cheville. J'ai voulu m'appuyer sur le mur le plus proche mais j'avais oublié que mes bras était pires que mes jambes, des griffures et des bleus devait les recouvrir. Je grimace et me mord avec force la lèvre inférieure pour m'empêcher de pousser un cri de douleur puis me tourne vers Faïza, une fois que la douleur s'est calmée. Bordel, mais ils m'ont frappé a mort pour éviter que je m'échappe ou quoi ?! Je sais que le but était de m'immobiliser mais je pensais pas que ce serait à ce point ! Faut dire aussi que j'ai donné quelques coups moi aussi...
"- Au risque de te décevoir, je crois que je vais avoir besoin de ton aide pour arriver à me déplacer.."Lui dis-je, la douleur toujours présente mais moins forte.
Au final, je me reviens parterre, et soulève le bas de mon jean et y aperçoit l'état de ma cheville, elle est bleue et un peu gonflée. Ça me fait esquisser une sourire nerveux et relevé la tête vers Faïza. Après, je ne sais pas si ce sont les loups qui ont fait ça ou si c'est moi lorsque j'ai dû me débattre. J'ai dû faire un gros faux mouvement alors.
"- Tes petits loups n'y sont pas aller de mains mortes... Ou alors c'est de ma faute... Ça faisait longtemps que j'ai pas eu aussi mal après une bagarre." j'ajoute avec un peu d'ironie. C'est comme ça que je fais passer la nervosité ou le stresse. J'avoue que j'ai un peu peur que ça prenne longtemps pour que ça guérisse... Mais je tente tant bien que mal à me relever tout en essayant de contenir la douleur.
"- Au fait, tu m'avais prévu une séance de torture jusqu'à ce que mort s'en suive ?" Je lui demande ensuite, toujours avec le même ton ironique tout en rajoutant un petit rire nerveux à la fin.
Même si ce n'est que de l'ironie... J'espère que ce n'était vraiment pas le cas ! Vu qu'elle m'avait dit que c'était grâce à la torture de mon ancien client qu'elle avait appris mon existence et puis cette caisse m'intrigue aussi. Imaginons que ce soit ce Daniel qui se serait chargé de mon sort... Je ne pense pas que ça se serait passé de la même manière ! J'y serai sûrement passée !
Comme elle le craignait plus ou moins, Alyce n’était vraisemblablement pas en état de marcher tout seule. Elle lui montra l’état de sa jambe, cette dernière avait bleuit et bien gonfleé. D’après ce qu’elle voyait comme ça, Faïza ne pensait pas que c’était très grave, mais ça allait être handicapant pour les temps à venir ça c’était certain. La louve soupira en signe de résignation, il fallait bien s’y mettre. Elle se pencha vers Alyce pour l’aider à se redresser un peu avant qu’elle ne la soulève du sol. Elle la portait comme un marié porte sa femme, comme une princesse.. Ou alors comme son père, quand elle était jeune et qu’elle s’était endormie dans la voiture un soir de repas de famille et qu’il fallait l’amener jusqu’à son lit. Au choix. Ce souvenir lui apporta un peu de baume au coeur, mine de rien. Elle n’avait presque plus de souvenirs de sa famille, revoir d’un coup son père auquel elle tenait tant, avant, ça lui fit du bien. Son visage s’illumina légèrement. Cependant, Alyce avait posé des questions avant que Faïza ne l’aide à se lever et il fallait qu’elle y répondre. Sortant de la cellule sans fermer la porte, comme elle était vide, Faïza marchait dans la grande enceinte de l’usine.
- Oui. C’est ce que je fais. Je torture des gens pour qu’ils nous donnent des informations. Certains cachent des choses dans la capitale, certains ont un groupe qu’ils n’hésitent pas à dénoncer, certains n’ont rien, mais ils inventent des planques remplies d’armes et de munitions.. Ceux là.. Enfin, bref. Tout ça pour dire que, oui, c’était ce qui était prévu.
Elle fit une pause le temps d’ouvrir une porte d’un petit coup de pied, avant d’entamer la montée d’une série d’escaliers en métal légèrement sinistres, quelques loups se trouvaient dessus en train de discuter. En voyant Faïza apparaître, ils ne disaient plus rien, il pouvait s’agir de respect, ou de crainte, ou juste qu’ils ne voulaient pas qu’elle entende ce qu’ils avaient à se dire. La Bêta s’en fichait. Certains avaient un drôle de regard vers Alyce. Mais ils se dirent sans doute qu’il s’agissait d’une louve solitaire, blessée. Une fois dépassés, la conversation reprit et Faïza pour continuer de parler elle aussi.
- Mais je suis soulagée que ça ne soit pas arrivé. Il faut dire, ça aurait été très injuste que tu partes ainsi, alors que j’avais explicitement demandé à ce que les nôtres ne te touchent pas. Bon. Le principal, c’est que tu ne sois pas en danger de mort, ces blessures seront facilement guéries, avec un peu de repos et du ménagement.
Une nouvelle fois, Faïza se servit de sa jambe pour pousser une porte, se retrouvant dans un couloir relativement bien entretenu et calme. C’était le quartier des Bêtas, avec juste au dessus, au dernier étage de l’Usine, celui des Alphas. Pour le moment, Catherine était mystérieusement absente alors c’était bien vide, là haut, et le quartier des Bêta n’était pas très fréquenté par ses résidents. Même elle. L’algérienne évolua dans le couloir, finissant par pousser une dernière porte, la sienne.
Sa chambre était ce qui servait autrefois de petite salle de pause, elle y avait des armoires pleines de nourriture personnelle. Rien de très particulier, elle refusait de priver ses loups de ressources, son seul péché mignon, quelques pots de miel de bonne qualité. Il y avait aussi un micro-ondes et un réfrigérateur, mais ils servaient surtout de décoration, comme l’usine n’était pas fournie en électricité. Il y avait une table et deux chaises en bois, le bord de la table était curieusement strié de dizaines de coups d’une arme tranchante. Sur la table, une assiette propre, vide, des couverts, un verre à moitié plein d’eau quand elle s’était réveillée, sa pierre à aiguiser et une carte de Paris qu’elle essayait tant bien que mal de tenir à jour, la position de la planque de Alyce y était justement répertoriée parmis tant d’autres locations. Le seul souvenir lui restant de sa grande famille était une photo sur la petite table de nuit proche de son lit, prise durant un des derniers Noëls passé avec toute la famille de Faïza. Tous les frères et soeurs, leurs deux parents, les cousins, cousines, grands-parents restants..
La pièce avait une petite fenêtre que Faïza gardait toujours fermée, avec un rideau verdâtre, assez transparent pour voir dehors, vers l’entrée de l’Usine.
Au fond, un lit une place et une armoire qui avaient été montés avant son arrivée. Elle y avait mit ses affaires, ses vêtements. Au pied du lit, son sac d’expéditions qui pour le moment était vide ou presque.
- Voilà dans quoi je passe mon temps libre, enfin, j’évite quand je le peux. Tiens, assied-toi.. dit-elle, assistant Alyce pour qu’elle s’installe sur l’une des deux chaises.
Elle n’avait rien à cacher, dans cette petite chambre.
- Met toi à l’aise, tu veux quelque chose ? Daniel n’a pas encore envoyé les autres, mais ils ne devraient pas tarder.
Alors là, je m'attendais à tout sauf à être portée comme ça. Je pensais que soit elle m'aiderait simplement à marcher en me tenant ou, au grand maximum, être portée sur son dos. Être portée comme une princesse, ça ne m'est jamais arrivé. Même par mon frère ! C'est inhabituel pour moi que j'ai mis du temps à réaliser que j'avais quitté la planche en bois qui me servait de exeptionellement de matelas.
"- Waow, si je m'attendais à ça… Loin de là !" Dis-je sans trop la regarder et fixer la geôle qui s'éloignait au fur et à mesure.
J'écoute ensuite ce que Faïza racontait. Donc j'étais vraiment destinée à une petite séance de torture pour révéler des infos que moi seule peut savoir. Et par chance que ce ne soit pas arrivé… Je crois que j'aurais mème déçu Faïza pour ne pas vouloir être coopérative dès le début. Têtue comme je suis… Je n'aurais sûrement rien dit avant un bon moment. Mais bon, je reste aussi surprise de savoir qu'elle avait donné ordre aux loups à ce qu'on ne m'attaque pas ou qu'on ne me touche pas. Ce qui est encore plus surprenant pour moi. À part mon frère, personne n'agit comme ça envers moi. D'ailleurs… Pourquoi ? On ne s'est croisées que deux fois et même si on s'entend bien... C'est étrange d'agir comme ça. En tout cas, c'est ce que je pense, mais ce n'est pas à déplaire.
"- J'espère que ça passera vite... Je n'ai pas envie de rester un mois de plus sans pouvoir m'occuper de mon travail." J'ajoute après le moment calme et malaisant lorsque nous sommes passées devant un petit groupe de personnes en train de discuter. Deux d'entre elles m'ont dévisagées et j'ai hésité à lui faire une grimace qui voulait littéralement dire "Qu'est ce que t'as à me regarder comme ça ?" mais je ne l'ai pas fait, jugeant que ce serait une raison pour s'attirer des ennuis.
Une fois que nous étions arrivée dans la chambre de Faïza, enfin… dans ses quartiers comme elle l'avait dit, je me suis assise sur une des chaises grâce à son aide.
"- Sympa déco. Pour être honnête, je m'attandais à ce que ce soit plus... Désordonné ?" J'avais un ton légèrement ironique et un léger sourire aux lèvres, mais c'était plus ou moins la vérité. À part l'état du bord de la table, tout est plus ou moins normal.
"- Dis moi, c'est rare que tu traites quelqu'un comme ça ? Les autres avait l'air plutôt surpris, en plus de ne pas me connaître." En plus d'avoir poser une question, je m'étais attardée sur certains éléments de la pièce comme la photo ou la carte de Paris. J'aurai voulu mieux inspecter par curiosité la chambre mais pour éviter de paraître trop curieuse ou trop envahissante, je ne le fais pas.
Faïza me demande ensuite si je voulais quelque chose. J'avoue qu'un petit repas, ne serait-ce que du pain, ce serait plutôt pas mal. En plus de rien avoir mangé hier, j'ai mal dormi voir pas du tout. j'imagine déjà ma tête. J'avais ouvert la bouche pour lui répondre mais mon ventre avait décidé de parler à ma place en gargouillant pour montré ma faim. J'ai regardé Faïza pendant ce moment puis j'ai détourné le regard, un peu gênée de ce qu'il venait de se passer. Je pose ensuite ma main contre ma nuque et essayer de faire passer ce moment de malaisance.
"- Hum… Je pense qu'un petit repas ou un petit déjeuné ne me fera pas de mal s'il te plaît…" Je répond, toujours le regard fuyant. Quel malaise. J'espère ne pas trop l'embêter avec ça. Évidemment, je peux tenir un ou deux jours de plus sans manger… Mais mon estomac ne fera que râler.
"- Au fait, tu comptes leurs faire quoi à... Ceux qui m'ont attrapé hier ?"
Juste après avoir posé ma question, quelqu'un vient frappé à la porte. Tiens ? Serais-ce le fameux Daniel avec les personnes en question ?
La louve avait subitement tourné la tête vers Alyce avec les yeux plissés et le visage légèrement déconfit alors qu’elle venait de boire la fin de son verre d’eau et de poser ce dernier dans l’évier par habitude.
- Comment ça, désord.. avait-elle commencé à dire, avant qu’Alyce ne lui demande si elle était en train de recevoir ou non un traitement de faveur en quelque sortes. A cela, Faïza savait tout à fait quoi répondre.
- Oui et non. Je fais attention à tous les membres de la meute, certains plus que d’autres. Je n’hésiterai pas à transporter un loup blessé comme ça jusqu’à l’infirmerie ou autre. Après.. Les fois où je dois vraiment le faire est rare, comme j’opère souvent seule. Je suis même sûre que beaucoup ne me voient que comme celle qui gère la prison et qui torture quiconque s’y retrouve. Alors oui, ça a dû surprendre les autres là dessous, mais c’est bien. Je ne suis pas qu’une machine à tuer.
Elle s’était sur ces mots appuyée contre le petit plan de travail de la partie cuisine de la salle. Écoutant le ventre d’Alyce subitement crier famine. Faïza n’avait pas eu de réaction particulière, par contre, la blessée devait se sentir très gênée. Son regard fuyant en était une preuve certaine. Alors que Faïza se décolle du plan pour s’accroupir et farfouiller dans ses réserves personnelles, une fois un petit quelque chose trouvé, elle sortit aussi de la dernière armoire son petit chauffe-plat de camping. Un objet avec une petite bouteille de gaz, le genre de chose presque introuvable, Faïza s’en servait avec une grande parcimonie. Notamment lorsqu’elle était malade et confinée dans ses quartiers pour ne contaminer personne, ou si elle était blessée, bref. Dès qu’elle ne pouvait pas descendre et manger avec les autres, voilà comment elle se faisait des plats chauds. Pour le coup, c’est Alyce qui allait en profiter. La question suivante de cette dernière semble avoir provoqué le destin. Faïza pose le chauffe-plat sur le plan de travail et se frotte les main.
- Entrez.
Une demi seconde d’attente, puis la porte s’ouvre. Faïza distingue Daniel dans le couloir, et c’est quatre loups qui entrent. Faïza en reconnaît quelques uns de vue, mais elle n’en connaît aucun personnellement. L’espagnol n’entre pas, restant dans le couloir. Les quatres hommes, robustes et marqué par l’apocalypse se demandant pourquoi ils sont là.. Et pourquoi Alyce est là, ils ne semblent pas tous la reconnaître. Aucun, même.
- Vous reconnaissez cette fille ? C’est celle que vous avez récupérés hier soir, pendant votre patrouille. Alors je sais qu’on a rarement des personnes avec un statut de VIP, mais vous ne vous souvenez pas que je l’ai clairement statué aux équipes, il n’y a pas si longtemps que ça, hm ?
L’un des hommes observe Alyce, il a un bandana noir sur le front, de nombreux tatouages sur ses bras nus et une large moustache encadrant sa bouche, malgré son visage sec et aux allures agressives, il semble adresser un regard navré pour la jeune fille. Les trois autres sont seulement déçus et dans la crainte. L’homme au bandana hoche la tête. Un autre tente de se dédouaner.
- Il faisait hyper noir, la fille avait un arc, et une capuche, on pouvait pas risquer de se prendre une flèche ! On peut pas juste.. D’mander qui c’est, quand-même !
- Nah mec, y avait aussi l’arc dans la descri’, on s’est chiés dessus. Fermes ta gueule. cracha l’homme au bandana, au moins lui le reconnaissait.
Faïza posa les mains sur ses hanches. Son regard perçait chacun de ceux des hommes en tord.
- Vous avez.. Une chance inouïe que ce soit moi qui soit tombé sur elle. Je vous aurais tranché un doigt à tous, s’il lui était arrivé quelque chose. Comme ce n’est pas le cas, et que vous avez juste manqué de discernement, je vais être raisonnable. Je sais que les nuits sont dures, mais toute faute mérite punition. Vous allez récupérer les armes de tous ceux qui sont en bas et vous allez méticuleusement les nettoyer. Vous ferez aussi un tour par les cuisines, je veux que tout y soit propre. Vous avez jusqu’à demain matin, que ça vous prenne la nuit s’il le faut. Dieu sait à quel point c’est sale, et on a pas assez de produits pour nettoyer tout ça. Débrouillez vous comme vous voulez, faites un raid en ville pour du Destop, je n’en ai rien à foutre, je veux que ça brille.
Les hommes ne tardèrent pas à sortir. Ils en avaient, du pain sur la planche. Daniel adressa un regard appuyé vers la Bêta, hochant la tête. Cela voulait certainement dire qu’il allait s’assurer personnellement que le travail soit fait. Aussi, il pénétra à moitié la pièce.
- Y aura quand-même le prisonnier restant à cuisiner, dans l’aprem. Voilà, j’y vais. dit-il avant de disparaître, refermant doucement la porte.
L’algérienne se tourna vers Alyce. Un sourire en coin illuminait son visage.
- Tu vois ça, c’est le respect. son sourire s’effaça légèrement, elle marcha jusqu’au chauffe-plat, Ils ont vraiment eu de la chance que tu ne sois pas morte, je ne me serais certainement pas arrêté à un malheureux doigt. Bref. J’ai ces.. Nouilles instantanées avec de la sauce je sais pas quoi. Tu aimes ça ? Je détestes ça, j’en avais pris pour goûter, mais c’est dégueulasse. Si jamais tu en veux.. Sinon je peux te chauffer une conserve de.. Cassoulet.. De boeuf en sauce.. Des lentilles.. A toi de voir. J’ai des pâtes aussi. Oh, au fait, tu entendais quoi par désordonné ? Je ne t’ai pas oubliée non plus, jeune fille.
Elle n’en avait pas non plus été vexée mais.. Elle se demandait ce que pouvait bien signifier cette remarque.
Après que le groupe soit rentré dans la pièce, j'en ai reconnu aucun car comme ils le disaient, il faisait noir. Mais juste les voix m'étaient familières. Et lorsque Faïza me... Présente ? À eux, je les ai tous regardé, un à un. Le gars à la moustache semblait plus honnête à reconnaître sa faute. Lui, je l'aime bien. Il n'est pas débile au fond car une faute avouée est à moitié pardonnée. Non ? Et puis, ça reste un malentendu. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire intérieurement lorsque Faïza disait qu'elle aurait pu leur couper un doigt s'il m'était arrivé quelque chose. Ça me touche également le fait que quelqu'un d'autre, à part mon frère, me donne de l'importance. Mes clients par exemples, se fichent pas mal de ce qu'il peut bien m'arriver. Mais du moment que leurs affaires me rapportent de l'argent, je m'en fous totalement. Et franchement, venant de Faïza, je m'attendais à ce qu'elle soit plus cruelle envers eux. Mais je suis un peu contente que ce n'a pas été le cas, ça aurait été injuste pour eux.
En revanche, à un moment et pendant que Faïza leur parler, un d'eux n'a pas arrêté de me fixer. Enfin... Pas mon visage mais plutôt la partie en dessous. Bon, ma poitrine quoi. Et avec un léger sourire écœurant. Beurk... Lui, j'espère ne jamais avoir à le croisé au risque qu'il ne me saute dessus. Une fois qu'ils étaient tous partis, je n'ai pas pu m'empêcher d'être encore écœurée par ce qu'il vient de se passer au point d'en faire une petite grimace.
"- J'espère qu'il restera célibataire toute sa vie lui..." Je parlais à voix basse, tout en croisant les bras comme pour cacher ce qu'il a regardé pendant plusieurs minutes. J'ai l'impression d'avoir été souillée par le regard d'un gars en manque !
Si tout les membres de la meute sont comme ça... Impossible de m'entendre avec eux. Enfin, j'espère que tous ne sont pas comme ça et je ne le pense pas. L'homme a la moustache par exemple, il avait l'air sympa pour avoir admis qu'il s'était trompé malgré sa dégaine. Et en plus il y a un autre gars dans les geôles ? Ils ont fait la pêche au prisonniers ou quoi ? Bon d'un côté ca ne me regarde pas mais bon...
Je regarde ensuite Faïza qui a réussi à imposer le respect. Même si je trouve qu'elle imposait plus la crainte et la soumission. Et comme je suis quelqu'un qui aime bien le sarcasme, je n'ai pas pu m'empêcher d'en utiliser un peu.
"- Oh waow, j'en suis impressionnée. Je pense que tu les as plus effrayés avec cette menace de découpage de doigts." Je m'avachit un peu plus sur le dossier de la chaise, avec ce ton un peu sarcastique et un sourire taquin.
Faïza me dit ensuite ce qu'elle a qui puisse servir de repas pour le moment. J'avoue que je ne suis pas contre des nouilles instantanées. Je n'ai jamais été très fan de cassoulet ou même de lentilles, leur texture ne me plait pas en fait. Et puis... Ça me donne des gaz et c'est pas très élégant. Quoi que, ce serait bon moyen pour faire fuir celui qui m'a reluqué la poitrine. Je devrais peut être essayer tiens, enfin, pas maintenant ou peut être jamais.
"- Des nouilles alors, comme ça c'est moi qui les mange puisque tu n'aimes pas ça." dis-je alors que mon ventre continue de se manifester. Chose que j'essaye de masquer en faisant semblant de tousser.
Cependant, Faïza s'attarde sur ce que j'avais dit sur la déco de sa chambre, en disant ne pas m'avoir oublié. Sur le coup, je ne savais pas quoi répondre puisque c'était quelque chose qui est sorti tout seul.
"- Hum... Bah tu sais... Je pensais que les loups étaient moins méticuleux, vu que vous n'êtes pas très tendre pour attaquer..Je pensais que l'intérieur serait plus... Bestial ? Après c'est sorti tout seul ! J'ai tendance à penser à voix haute parfois. Désolée si mes propos t'ont vexé ou énervé" C'est vrai que vu que j'agis seule, je pense souvent à voix haute sans me soucier s'il y a du monde autour ou pas.
Faïza avait peiné à entendre la remarque à voix basse de Alyce, mais si elle avait bien entendu ce qu’elle avait cru comprendre, elle savait alors que quelque chose s’était passé dans la tête de l’un des quatres hommes. Même si elle n’avait personnellement rien décelé, la louve avait sa petite idée quant à qui pouvait avoir ainsi mit la jeune fille mal à son aise. Sur le moment, elle s’en voulu presque de ne pas y avoir pensé. Certains de ces hommes sortaient de prisons, après tout. Et l’un de ceux là était justement un de ceux ayant été enfermé, présumé de viols et d’agressions. Entre autre. Ce genre de loups, elle les surveillait généralement. Tout être humain se pouvait d’avoir des pulsions en lui, Faïza ne dérogeait pas à cette règle. Elle porta un regard à sa table striée de coups de machette, son petit rituel qu’elle s’offrait chaque matin de sortie, chaque jour où elle se sentait s’abandonner à la haine et à la violence. Il fallait lutter contre ça, et certains y parvenaient mieux que d’autres.. Certains, aussi, n’essayaient pas du tout. C’était peut-être le cas de l’homme en question. Pour son cas, elle agirait, mais plus tard.
Après ça, Alyce s’était jouée de l’algérienne et de sa petite victoire assumée sur les fautifs. La femme ne se démonta pas, même si Alyce avait vu juste. Certaines fois, c’était plus percutant de menacer l’intégrité physique de quelqu’un. Ce procédé est même plutôt vieux. Beaucoups de parents punissent leurs enfants par des tirages d’oreilles, des fessées, à cette époque.. Couper un doigt pouvait être une bonne punition. Ils ne recommenceraient pas de sitôt, ceux-là.
Quelques instants plus tard, Faïza avait commencé à faire chauffer de l’eau récupérée au distributeur d’eau personnel qu’elle avait. Un dispensaire de bureau, ceux avec le gros bidon en haut, le siens était quasiment plein et elle en avait déjà un autre de rechange. Ayant fait craquer une allumette pour allumer la petite mèche de gaz, il suffisait désormais d’attendre que ça chauffe avant d’y mettre les nouilles. Elle avait en même temps écouté le discours d’Alyce sur les loups et les à priori qu’elle avait.. Qui au final, venaient à juste titre. Dehors, on ne voyait qu’un groupe de taulards, des parias vivant dans une usine. Pas forcément le genre de mecs qui aiment ranger une chambre. Et c’était vrai, certaines chambres ressemblaient à des dépotoirs. Elle lui fit face avec un sourire marqué, un drôle d’air amusé sur son visage.
- Oui, c’est vrai, nous les loups, des bêtes sauvages ! Bon, je l’admet, certains ne savent pas à quoi ressemble un balais, je ne suis pas vexée.. Mais du coup non, moi je préfère quand-même avoir ce petit endroit propre, tenu et organisé. Tiens d’ailleurs..
Sans perdre son petit sourire, Faïza retira sa veste, pensant tâcher ses vêtements avec le sang d’une prisonnière aujourd’hui, elle en avait enfilé une, pour ne plus se retrouver qu’en t-shirt grisâtre face à Alyce. Après l’avoir posé à un dossier de chaise, Faïza se planta de nouveau face à elle et croisa les bras.
- As-tu même une seule idée de ce que je faisais avant que tout ne parte en vrille ? Je suis curieuse de savoir ?
Après tout, elle était vraiment loin de ses années d’enseignement, désormais..
Je n'ai pas pu m'empêcher d'esquisser un sourire en entendant sa remarque sur les loups. Mais après tous, ce sont des rumeurs ! Les gens disent que les loups ont... Ce côté bestiale et désordonné, qu'ils ne connaissent pas la gentillesse ou quelque chose comme ça.
Et pendant que Faïza prenait le soin de me préparer mon repas, je n'ai pas pu m'empêcher de détailler encore plus la chambre ainsi que la photo. Ma cheville n'était pas enflée, je me serais sûrement levée et j'aurais inspecté certains détails de cette pièce de plus près. Mais non, à la place, je reste assise et attend que mon repas soit fait pour remplir mon estomac qui n'arrêtait pas de se plaindre, tout en écoutant les dires de Faïza. Bon, en effet, c'est juger un livre par sa couverture.
Une fois qu'elle ait enlevé sa veste, elle me demande si j'avais une idée de comment elle vivait, dans son ancienne vie. Sur le coup, je n'ai pas pu m'empêcher de faire un léger rictus.
"- Tortionnaire dans une secte secrète ?" Je demande avec un ton ironique, faisant référence à sa tache de nos jours.
Bon, c'est la première chose qui m'est venu à l'esprit mais c'est parce que je l'ai connu comme ça. Après, je peux me tromper totalement et que peut être elle n'était pas du tout comme ça avant l'apocalypse. Mais ca ne m'étonnera pas si elle me dit qu'elle était vraiment comme ça à l'époque. "Époque"... J'ai l'impression de parler de quelque chose qui date d'il y a 50 ans alors que je n'ai même pas cet âge.
"- En réalité... J'en ai aucune idée. Car d'un côté, j'ai peur de faire une erreur et que tu le prennes mal. Qui sait ? Peut être que tu faisais quelque chose qui n'a rien à voir avec ton travail de maintenant ?" Dis-je, avec un léger rire nerveux après avoir terminé ma phrase.
Mais j'avoue que je suis curieuse de savoir un peu de son ancienne vie, est ce que ce sera peut être une occasion pour en savoir plus sur elle ? J'aurai bientôt la réponse en tout cas, et ça m'aide à oublier la douleur désagréable des coups que j'ai reçu.
Ses bras toujours croisés, l’algérienne écouta Alyce s’imaginer qu’elle était déjà une tueuse sanguinaire avant même que le monde ne soit parti en vrille. Faïza ne pu s’empêcher d’imaginer ce scénario et souffla du nez, amusée par la situation. La réalité était tellement éloignée de ça, même si ce n’était qu’une blague. Vaguement détendue par cette discussion, la Bêta se préoccupait tout de même toujours de l’eau en train de chauffer, elle serait bientôt en mesure de faire cuire le repas de Alyce. Cette dernière admet d’ailleurs par la suite qu’elle n’a finalement aucune véritable idée de quelle personne Faïza aurait bien pu être avant que la société ne s’écroule. C’était compréhensible.
C’est presque touchée que Faïza hocha négativement la tête au moment où Alyce montra qu’elle craignait un peu de vexer la louve. Même si parfois cette femme pouvait facilement se renfrogner sur elle-même, pour le coup elle s’était doutée qu’il aurait été difficile pour Alyce de deviner avec justesse.
- Je ne me serais pas vexée, ne t’en fais pas.. De toute façon, ce n’est pas comme c’était quelque chose de grandiose, ce que je faisais.. dit-elle.
Elle marqua alors une courte pause, décroisant les bras, elle les écarta légèrement comme pour s’ouvrir au pied de la lettre.
- J’étais professeure d’histoire. A deux doigts de passer directrice, c’était mon rêve, à l’époque. Je passais mon temps entourée de gamins.. J’essayais de leur forger un avenir, je faisais ce que je pouvais, on va dire. A cette même heure, il y a six ou sept ans j’étais sans doutes en classe en train de faire cours à une trentaine de jeunes.
D’une certaine manière, ça lui manquait un peu. Vraiment. Elle avait cependant tiré un trait sur tout ça, mais cette période de sa vie ne s’était pas pour autant effacée de sa mémoire. Son regard pétillait presque, rien que de repenser à ça. Un léger pincement au coeur survint alors, une pensée sombre. Tous ces anciens élèves étaient très probablement morts, aujourd’hui. Son qu’elle ne perde son fin sourire, le regard de la Bêta se ternit.
- Malheureusement je ne les préparait pas au bon avenir.. Si j’avais su..
L’eau allait bientôt bouillir. Faïza se tenait prête à faire cuire le repas.
Le fait que Faïza me dise que je ne l'offense pas me rassure grandement. Je n'avais pas envie de finir mon séjour dans geôle dans laquelle j'étais avant d'arriver ici, ou même qu'elle déchaîne sa colère sur moi pour l'avoir un peu.. Provoquer ? Puis je l'écoute avec curiosité. Et j'étais surprise de l'entendre dire qu'autrefois elle était professeur d'histoire, prête à passer au statut de directrice s'il n'y avait pas eu cette sorte de fin du monde. En fait, j'imaginais Faïza comme étant fonctionnaire ou même derrière un bureau à gérer des affaires de business. Bon.. Moi c'est plutôt facile a deviner... À l'époque j'étais à ma dernière année de lycée... Le temps passe plus vite qu'on ne le croit !
"- Et... Tu étais comme ça envers les élèves ? Enfin je veux dire... Tu les menacer des passer le balai dans la salle s'ils ne rendaient par leur copie ?" Dis-je avec ton ironique. Bon évidemment, je ne peux pas me passer de mon sarcasme habituel.
"- Bah moi... C'est pas dur à deviner.. À l'époque je venais de terminer mon année de lycée.." J'ajoute tout en haussant des épaules. Après tout, ce n'est rien d'impressionnant, le lycée.
Puis je l'entend dire qu'elle n'a pas préparé ses élèves à ça... Ça sonnait presque comme un reproche selon moi. Sauf que personne ne pouvait se préparer à ça ! À part dans les films, jeux ou livres, bref le fictif, personne ne pouvait prévoir que se transformer en zombie pouvait être réel !
T'as pas à t'en vouloir, personne ne pouvait prévoir qu'une telle chose serait possible. C'était si improbable que même moi j'ai eu du mal à y croire au départ, septique comme je suis.." Bon, je tente d'être compatissante du mieux que je peux.
Même moi j'ai perdu quelques personnes que je tenais.. S'il n'y avait pas mon frère, je ne sais pas ce que je serais devenue après ça.. D'ailleurs, en parlant de lui, j'étais sensé rentré hier et l'accueillir dans ma planque... Bon il doit sûrement pensé que je suis en train de tenter de gagné de quoi me permettre de survivre. J'espère pouvoir être rapidement de retour, sauf que je sais que c'est une mauvaise idée de partir vu mon état. Ma cheville est encore enflée, et si jamais je devrais fuir une horde d'infectés.. Je pourrais y laisser ma vie.
La première question posée par Alyce suite à ce semblant de révélation n’avait pas vraiment surpris Faïza. Après tout la question pouvait se poser, d’une certaine manière.. Aussi elle esquissa un bref sourire, s’imaginant ce cas de figure. La professeure tortionnaire, punissant ses élèves pour tout et n’importe quoi, pourvu que ça serve d’exemple pour les autres, cherchant le calme absolu d’un cimetière durant le cours, elle aurait très bien pu être comme ça. Elle avait connu un certain nombre de ses collègues qui agissaient de la sorte. Très rigides, certainement trop rigides. Même si ce genre de méthodes pouvaient apporter des résultats, Faïza ne les appréciait pas. A ce moment de sa vie elle pensait à justement aider ces jeunes gens à êtres plus ouverts au monde qui les entourait, à ne pas trop êtres aussi rigides que les professeurs, qu’elle voyait comme des mentors, des exemples à suivre. Forcément. C’était pour ça que, tout en gardant un contrôle certain sur ses classes, tout en sachant punir quiconque le méritait avec justesse, Faïza assurait des cours les plus vivants possibles, acceptant parfois les perturbations si elles avaient ne serait-ce qu’un peu de sens à ses yeux.
C’était pour cela qu’elle disait de manière détournée qu’elle regrettait un peu de ne pas avoir été un peu plus dure. Elle n’aurait jamais pu le deviner, mais peut-être que ça les aurait sauvés, au moins certains.
Sans répondre, elle écouta plutôt d’abord la jeune Alyce parler un peu d’elle. Sans surprises effectivement, la louve apprit que son interlocutrice était encore étudiante lors des dramatiques événements. Elle venait de terminer le lycée, peut-être s’apprêtait-t-elle à poursuivre des études universitaires ? Cette question resterait pour le moment sans réponses. Et au final.. Ce n’était pas excessivement important. Faïza finit par répondre.
- Pour répondre à ta première question, non.. Etonnament, peut-être, je n’étais pas comme ça. Je ne me laissais pas marcher sur les pieds par mes élèves et je n’étais certainement pas une prof victime. Mais je gardais une proximité avec mes élèves. J’ai toujours.. Faïza s’interrompit quelques secondes, cherchant le bon mot, finalement, celui-ci lui vint en même temps qu’un haussement d’épaules, comme une évidence, Aimé les enfants. Les jeunes, les aider à apprivoiser le monde qui les entourait, à s’approprier leurs vies futures.
Si seulement elle avait su ce qui les attendait tous réellement.
L’eau s’était mise à bouillir, dans son coin, sans que Faïza ne le remarque tout de suite. Elle diminua légèrement la flamme pour s’adonner à préparer le repas de Alyce, concrètement, le mettre à l’eau et attendre.
- Je sais bien que je n’y suis concrètement pour rien et que je ne pouvais pas prévoir le futur mais.. C’est comme si ça me restait en travers de la gorge. Le sentiment est bénin, il ne m’affecte pas, ou plutôt il ne m’affecte plus.. Mais ça reste. Bon. Et toi ? Qu’est-ce que tu comptais faire après le lycée ?
Finalement.. Même si ça n’était pas important, Faïza avait ressenti l’envie d’en savoir un peu plus sur la jeune fille. Comme si lui parler d’un sujet banal lui faisait du bien. S’éloigner un peu de son quotidien et d’apprendre à connaître une nouvelle personne..
J'écoutais Faïza avec attention, tout en continuant de regarder la pièce dans laquelle on se trouvait. Alors comme ça... Faïza était plus ou moins proches de ses élèves.. Ça devait être pas mal pour les activités alors.. D'ailleurs que se serait-il passé si je l'avais eu en tant que prof ? Ça aurait pu être intéressant tiens.. Mais je n'aurais pas fait partie de ces élèves turbulents qui perturbent le cour pour une quelconque raison.. D'ailleurs, la relation entre Faïza et ses élèves devait être plutôt sympa, enfin.. Je suppose. Mais en effet... Ça me paraît surprenant de l'entendre dire qu'elle aimait aider les plus jeunes, à forger leur connaissance. Je pense qu'elle est un peu l'inverse de ce qu'elle est actuellement. Même si ce n'est pas à déplaire.
"- Oh.. Je vois.."Dis-je, d'une voix un peu faible et un peu coupable. "- Désolée, je ne voulais pas te faire revivre de mauvais souvenirs si c'est le cas..." Bizarrement, je me sentais un pei coupable, même pour une si petite chose selon moi. C'était une épreuve qu'elle avait déjà endurée, et pourtant.. Pour moi c'était comme si je venais de la blesser alors que ce n'était sûrement pas le cas.
Faïza m'interroge ensuite sur les études que je comptais faire plus tard, s'il n'y avait pas eu ces événements catastrophiques. J'ai d'ailleurs était surprise par cette question. À vrai dire.. Il y avait plein de choses que je voulais faire. Mais je voulais surtout faire une chose en particulier.
"- Et bien.. Je comptais faire des études dans la photographie, ou dans l'audiovisuel. J'ai toujours aimé prendre des photos, faire de belles mises en scène et-" Je m'arrête soudainement, remettant une mèche derrière l'oreil et réalisant que ce sont des détails qui ne répondent pas vraiment à sa question.
"- Euh.. Enfin.. Je voulais principalement être photographe professionnelle.." J'ai ensuite détourné le regard, légèrement embarrassée.
Je m'emporte facilement dans ce genre de discussion. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles j'évite de trop parler de moi Mais avec Faïza, j'ai l'impression que ce n'est pas vraiment un problème pour moi. Mais était-ce le cas pour elle ? Je ne pense pas, puisqu'elle me demande ce que je voulais faire comme études. Enfin, en toute logique, ce serait ça non ?
Faïza ne remarqua pas immédiatement le changement de ton chez Alyce. Au départ trop occupée dans un premier temps avec le repas, elle s’en rendit compte une fois que la jeune fille avait terminé de parler. Relevant les yeux de ses activités la Bêta hocha la tête, signifiant qu’elle avait bien entendu ce qu’Alyce venait de lui dire et c’est là qu’elle remarqua son air, plus triste que précédemment. Elle avait pourtant bien entendu les excuses formulées plus tôt mais elle n’aurait pas pensé que cela ne touche autant Alyce. Pour le coup. Heureusement, Faïza était difficile à ébranler et même si les souvenirs demeuraient encore bien présents, elle avait malgré tout réussi à faire le deuil de cette ancienne vie et de ses anciennes ambitions. Au moins, elle gardait de bons souvenirs et c’était sûrement le principal.
L’algérienne était presque touchée que son interlocutrice ne se préoccupe de l’état de Faïza, non, cela lui faisait finalement vraiment plaisir. Plus personne ne s’excusait de rien, ou presque, ces derniers temps. Personne ne s’était excusé auprès d’elle depuis vraiment très longtemps, un peu de bonté, une fois de temps en temps ne faisait pas de mal. Même à Faïza dont le coeur était devenu dur comme de la pierre.
- Oh ne t’en fais vraiment pas, Alyce. J’ai fais mon deuil, maintenant je ne garde que les bons souvenirs et le reste.. C’est arrivé. Je ne peux rien y faire. Mais merci, j’apprécie que tu t’en inquiètes ! lui dit-elle, souriant légèrement avant de reprendre, Photographie tu dis ? C’est bien, c’est original.. Je n’y connais strictement rien en photographie, pour le coup, alors.. Voilà.
Elle conclut alors en un petit ricanement. La pauvre se souvenait aussi du fait qu’elle ne savait pas prendre une seule photo nette, à l’époque. Que ce soit avec un appareil, un téléphone portable.. Elle ne devait pas avoir ça dans le sang. Malheureusement désormais cette ambition devait être loin de la portée de quiconque, dans ce monde dévasté. Faïza reprit alors la parole.
- Belles mises en scènes, et ? Je t’en prie, si tu veux ajouter quelque chose n’hésite pas, ça peut faire du bien de se remémorer certaines choses. Enfin, c’est comme tu veux.
Entre temps, la préparation de Faïza semblait prête. Cette fois-ci elle coupa totalement l’alimentation et s’assura que les nouilles étaient bien cuites du bout de sa fourchette. Même si elle n’en était pas certaine, elle assumait que ça devait se cuire comme des pâtes ? Elle prit quelques instants pour servir tout cela devant Alyce.
- Tiens, régale toi avec, et il y a les sauces. Normalement, tout devrait être bon..
Elle l’espérait, en plus de blessures physiques Faïza ne voulait pas qu’en plus Alyce récupère une intoxication alimentaire.. Aussi, songeant à ses blessures Faïza se détourna quelques instants vers ses armoires, d’une d’elles, elle extirpa une boîte contenant du matériel de premiers soins dont elle se servirait plus tard, afin de l’aider à se rétablir. Pour le moment, elle restait debout, appuyée contre son plan de travail.